lundi, octobre 29, 2007

J'arrête !

J'ai accordé un entretien au supplément d'investigation (Reporter) du quotidien flamand De Morgen (27/10/07) où j'explique notamment que les problèmes découlant du retard linguistique et du regroupement familial ne peuvent être surmontés sans, notamment, passer par l'obligation d'apprendre une des langues du pays de résidence. La preuve ? La plupart des parents qui étaient invités à venir chercher leur gamin-casseur sympathisant loup-gris dans les commissariats de police ne comprenaient ni le français, ni le flamand. Comment voulez-vous encore leur expliquer que les manifestations étaient illégales et que les "jeunes" ont commis des actes de vandalisme intolérables ? C'est d'autant plus difficile que les médias turcs (essentiellement Hürriyet) n'ont presque pas évoqué les dégâts et les victimes en faisant croire que l'Etat policier belge arrêtait toute personne évoquant le mot "Turquie". Pire, pas un seul "responsable" politique ou associatif en Belgique n'a osé critiquer (en turc) ces jeunes arborant fièrement le drapeau de l'extrême droite.

De mon côté, la situation est devenue insupportable. Menaces et insultes, pression familiale et procès à charge dans les associations et cafés turcs, j'en ai marre de devoir expliquer des principes de base d'une société démocratique à des personnes qui refusent tout dialogue.

J'en parlais encore récemment avec un ami. "Ecoute Mehmet, tu as raison mais ce n'est plus la raison qui s'applique dans ce cas. Dans l'affaire Kir aussi, tu avais raison et la justice t'a aussi donné raison mais c'est finalement toi qui a perdu. Regarde les choses en face : Emir Kir n'a rien eu comme conséquence, il peut toujours tranquillement se balader avec son chauffeur tout en continuant à faire croire dans les cafés turcs que c'est toi qui l'a attaqué parce qu'il refusait de reconnaître le génocide arménien. C'est lui le gagnant car il a pu changer à lui seul la ligne du PS sur le génocide arménien même si on n'osera jamais ouvertement l'avouer au siège du parti. Tu révèles la présence d'un loups gris sur la liste PS à Schaerbeek ? Avec Laurette Onkelinx, c'est tout l'appareil du PS qui te déteste et te disqualifie. Tu gagnes en justice face à Kir, c'est Philippe Moureaux qui t'accuse d'imbécilité et de calomnie. Tu traduis les propos négationnistes des élus MR (Köse, Öztürk,...), c'est toi qu'on accuse de traîtrise. Tu relates le service militaire en Turquie d'un député SP.A, c'est toi qu'on accuse d'espionnage. Tu dénonces le communautarisme du CDH, tu deviens automatiquement persona non grata dans les débats. Tu relates le discours belliqueux d'Ergün Top (CD&V) contre la Belgique, aucune réaction de la part d'Yves Leterme. Les gars sont toujours en place, ils sont même parfois promus mais c'est toi qui ramasses en fin de compte", commente mon interlocuteur.

L'immobilisme politique, ou l'a-politisme, des dirigeants belges n'a effectivement que renforcé les discours autoritaires, les valeurs antidémocratiques et les propos négationnistes sur le terrain bruxellois. Un exemple : alors que la pénalisation des propos négationnistes a été bloquée au Sénat (par le PS et le CDH), sur le terrain bruxellois ce sont ceux qui reconnaissent le génocide arménien qui ont été punis manu militari. "Bon, Mehmet, tu savais quand même qu'ils allaient un jour te casser la gueule après tout ce que tu as déjà pu écrire sur la question arménienne. Concernant le propriétaire du café arménien qu'ils ont attaqué, il paraît que cette personne a été reconnue devant l'ambassade de Turquie alors qu'il manifestait pour la reconnaissance du génocide arménien. Il n'est donc pas tout à fait blanc non plus!", dit un observateur. Suis-je le seul à m'inquiéter de ce glissement dangereux soutenu par les dirigeants politiques de ce pays ?

Les dirigeants se rendent-ils compte des "modèles" politiques qu'ils sont en train de promouvoir pour de simples calculs électoralistes à court terme ? Par ailleurs, je ne suis toujours pas convaincu du gain électoral qui découlerait d'une campagne communautariste dans la niche ethnique et je suis prêt à faire le pur calcul électoraliste pour argumenter sur l'expérience contraire.

Bref, la classe politique et le système clanique empêchent donc l'émergence d'un journalisme d'investigation totalement indépendant des groupes de pression. "La Belgique n'aime pas les francs-tireurs mon cher ami", m'avait précisé mon ancien professeur à l'ULB. "Il n'y a pas de marché en Belgique francophone pour le style de journalisme que vous défendez. Vous êtes déjà très isolé, il ne sera pas très difficile de vous écarter définitivement du petit monde journalistique".

Ce sera donc mon dernier papier sur ce blog "Humeur allochtone" que j'avais lancé le 24/10/2003 (j'ai l'impression d'entendre un grand "ouf" de soulagement). L'idée était de promouvoir un journalisme d'investigation sur les affaires politiques belges (pas internationales) en jouant sur un maximum de transparence possible. Parallèlement, j'en avais marre de lire que "les allochtones" étaient comme-ci puis comme-ça sous la plume de certains journalistes ou élus qui n'y pigeaient généralement rien de la gestion des affaires "très étrangères". L'objectif était donc de faire "comme la presse" mais en relatant les choses à partir d'un point de vue subjectif avoué et en suscitant l'interactivité avec le lectorat. En peu de temps, j'ai eu l'impression de contribuer, de manière constructive, aux débats politiques.

J'arrête donc ce blog, victime de son succès, afin d'offrir une fausse "vie normale" à mon entourage. Je n'ai peur ni du système, ni des réseaux mais je veux surtout calmer les inquiétudes de mon entourage en mettant un terme à cette passionnante expérience de journalisme en direct. Les menaces et les insultes que je reçois me font généralement rire mais je comprends que mon entourage ne partage ni mes opinions, ni mon sens de l'humour. Je vais donc continuer à écrire ... mais sur d'autres supports médiatiques.

En vous remerciant tous d'avoir suivi les quelques "scoops" sur ce blog (merci aussi pour vos commentaires forts amusants, instructifs, étonnants ou révoltants) je vous adresse mes plus sincères salutations.

RTBF : "Double discours chez certains élus turcs"


mardi, octobre 23, 2007

Enquête sur les émeutes bruxelloises d'extrême droite turque

Ce mercredi (24/10/07), la deuxième manifestation "spontanée" de jeunes sympathisants d'extrême droite a été largement suivie par les médias et les services de police. Bilan : 94 arrestations dont 8 manifestants mis à la disposition du parquet, plusieurs personnes blessées, des actes de vandalisme contre les transports (tram 92 et bus 61) et les abris publics.

Vu que le premier jour des émeutes (dimanche 21/10/07) j'avais été pris à partie, j'ai donc préféré rester un peu à l'écart de ce genre d'organisation qui ne m'apparaisse pas du tout "spontané". En regardant les images filmées par une équipe de Télé Bruxelles, j'ai essayé de déchiffrer le modus operandi des jeunes manifestants (essentiellement bruxellois de 14 à 25 ans) : fétichisme du drapeau turc, messages SMS à la gloire du soldat turc, appels à l'aide pour "sauver la patrie", glorification des "martyrs", récitation de certains slogans coraniques, des slogans anti-PKK mais aussi anti-Kurdes.

Le plus important, à mes yeux, reste l'entretien et l'alimentation de cette propagande nationaliste sur le terrain bruxellois. Ainsi, autour de la Place Houwaert à Saint-Josse, plusieurs témoins m'ont expliqué avoir vu "une camionnette Mercedes avec des gens en costard faisant du porte à porte pour distribuer gratuitement des drapeaux turcs avec et sans l'effigie d'Atatürk et en rappelant la manifestation du lendemain à la Place Liedts à Schaerbeek". Une même campagne de distribution gratuite de drapeaux turcs a eu lieu autour de ladite place avant la manifestation illégale. Il est "conseillé" d'afficher en façade le drapeau turc en soutien aux soldats "martyrs" morts au combat à la frontière irakienne et je vois mal comment un commerçant ou un habitant turc ou d'origine turque à Bruxelles oserait refuser ce cadeau sans courir le risque d'être considéré comme "traître à la patrie" (vatan haini). J'ai retracé le réseau de fabrication, d'acheminement et de distribution de ces drapeaux avec l'éfigie d'Atatürk et il semblerait que les "mécènes" finançant ce type de cadeau soient le patron d'une boulangerie, le gérant d'une épicerie ainsi qu'un gérant de snack à Schaerbeek et Saint-Josse.

Interrogé par la télévision flamande (VRT), j'ai aussi expliqué comment le discours nationaliste était propagé par les sites internets turcophones de Belgique, les SMS, les radios communautaires ainsi que les élus belges d'origine turque. Pour donner un exemple flamand, j'ai traduit en direct la carte blanche de Nebahat Açar, collaboratrice au cabinet de la secrétaire d'Etat Brigitte Grouwels et conseillère communale CD&V élue sur la liste du bourgmestre socialiste d'Evere Rudy Vervoort. "Que dire aussi de ceux qui autorisent les partisans du PKK a défiler avec le poster d'Öcalan dans la capitale de l'Europe ? Et que penser aussi des télévisions publiques qui se rendent à la frontière irakienne pour donner la parole aux terroristes du PKK ? Comment peuvent-ils s'opposer à la République de Turquie, qui les soutient et les nourrit ? Les enfants de Kemal Atatürk, qui avait dit lors de la guerre d'indépendance "ou l'indépendance, ou la mort", ne cèderont pas une poignée de terre à ces minables. La patrie ne sera pas scindée, elle est indivisible, aucun citoyen turc n'autorisera cela. Ne pleurez pas mères et pères, le sang de nos soldats martyrs ne sèchera pas au sol. Nous sommes 85 millions de soldats. Quand il y en a un qui meurt, 1000 naissent par la suite. Nous sommes tous des soldats", concluent Nebahat Açar sur un site turcophone belge en présentant ses "condoléances à toute la Turquie".

Sur Vivacité-Bruxelles, j'ai donné un autre exemple de provocation avec dans le rôle de l'expert en financement des réseaux terroristes au Moyen-Orient, l'échevin schaerbeekois Saït Köse (MR) qui explique en turc ce dimanche (21/10/07) vers 18 heures sur les ondes de Radio Pasa à Bruxelles que "l’Amérique ne doit pas nous dire qu’elle ne sait rien, qu’elle n’aide pas, qu’elle ne finance pas et qu’elle ne soutient pas logistiquement le PKK. Tout est très clairement sur la place publique. (...) Si nos politiciens, au lieu de se quereller sur les batailles de sièges, avaient fait correctement des travaux de lobbying, il n’y aurait aujourd’hui aucune force politique sur terre capable de remettre à l’ordre du jour le prétendu génocide arménien. Encore une pure coïncidence, une sous-commission parlementaire américaine adopte une résolution sur le prétendu génocide arménien et au même moment, les mouvements du PKK s’intensifient à l’Est du pays. Si on rassemble tout cela, on constate la faiblesse de nos politiciens et on comprend très facilement comment ils [PKK] sont soutenus par des forces extérieures". Il serait douteux d'y voir immédiatement un lien de cause à effet mais quelques heures plus tard le drapeau américain était arraché par les jeunes sympathisants loups gris de l'ambassade des Etats-Unis à Bruxelles. Un peu comme le pompier-pyromane, Sait Köse prendra ensuite part à la conférence de presse du jeudi (15/10/07) organisée par les services de police et les bourgmestres de la zone 5 pour faire le bilan des émeutes devant la presse locale.

Revenons donc un instant sur les premières émeutes du dimanche (21/10/07). A travers les images GSM d'un jeune manifestant "Serhan1030" publiées sur YouTube, il est possible de suivre le parcours des manifestants le dimancher dernier. La première vidéo de "Serhan" montre l'épisode "devant l'ambassade americain, un pic ermeni veut cavaler!!!" "Pic ermeni" veut dire "batard arménien"en langue turque et les images montrent en fait le début de mon tabassage où même "Serhan" semble impressionné par les appels à mon arrestation ("Ouïe ! Que se passe-t-il ?") quand il entend la foule crier "Arrêtez-le...!".

D'autres images de "Serhan" montrent aussi que l'élu schaerbeekois du CDH, Halis Kökten, a donné clairement des consignes de lieux aux jeunes d'extrême droite lors de ce rassemblement illégal. Présent sur les lieux devant l'ambassade des Etats-Unis, j'avais pourtant vu le même élu schaerbeekois tenter de calmer les débordements.

Qui sont derrière ces jeunes manifestants ? Je ne le sais pas encore et après les premières émeutes, il faut déjà noter que pas un seul responsable n'a osé clairement condamner en turc les actes de vandalismes, le tabassage d'un journaliste et le saccage d'un café arménien. L'ambassadeur turc Fuat Tanlay a même envoyé un communiqué de presse assez surréaliste en appelant les jeunes à "ne pas céder à la provocation" alors qu'on avait plutôt l'impression que ce sont ces derniers qui semaient la terreur dans les rues de la capitale européenne.

L'un des principaux artisans néofascistes alimentant constamment la haine et le trouble public n'est autre que le correspondant du journal turc Hürriyet Yusuf Cinal, animateur sur Radio Anatolia (87.5 FM à Bruxelles) et gestionnaire du site internet YeniHaber.be. Célèbre publireporter négationniste et ultranationaliste turc, viré puis repêché par Hürriyet grâce au lobbying d'un homme d'affaires turco-bruxellois, ce personnage félicite régulièrement les jeunes pour avoir manifesté "l'esprit national" dans les rues de Bruxelles et va même jusqu'à rapporter (vrai ou faux?) les paroles des manifestants précisant que "nous avons donné un petit avertissement à Mehmet Koksal" qualifié de "prétendu journaliste indépendant" par Yusuf Cinal et que si "Mehmet Koksal ne change pas ses opinions pro-arménienne et pro-PKK, ce sera à lui de voir". Yusuf Cinal qui reçoit ce vendredi (26/10/07) le "ministre d'Etat" Emir Kir (PS) en studio où les deux hommes s'auto-congratulent tout en faisant part de leur analyse géopolitique sur les émeutes bruxelloises de l'extrême droite turque. J'espère que les propos tenus seront par le responsable politique seront traduits en langue française ou néerlandaise pour que je ne sois plus obligé de me taper tout ce boulot, non rémunéré, pour les médias belges.

Aujourd'hui, entre deux manifestations "spontanées", vous avez d'un côté la presse turque qui relate "la colère des jeunes turcs contre le PKK" (en évitant soigneusement les actes de vandalisme) et la presse belge (francophone et flamande) qui évoquent, de manière étonnée, "les émeutes turques contre les Kurdes à Bruxelles" (en amalgamant les Turcs aux sympathisants d'extrême droite et les Kurdes au PKK). Si vous suivez ce blog, vous devrez savoir qu'aucun des raccourcis n'est valable pour décrire la situation actuelle dans les quartiers bruxellois.

dimanche, octobre 21, 2007

Comment je me suis fait lyncher par les Loups Gris devant l'ambassade américaine

Dimanche (21/10/07), je reçois un appel vers 22h41 m'informant qu'une "manifestation des loups gris [militants d'extrême droite turque] vient de commencer dans les quartiers turcs de Saint-Josse et Schaerbeek. Le cortège des voitures se dirige vers l'ambassade des Etats-Unis". Le long de mon trajet vers le Boulevard du Régent, je remarque qu'il s'agit effectivement d'une grosse manifestation. Les voitures avec des jeunes turcs défilent, drapeau et symbole de l'extrême droite turque en main, en direction de l'ambassade des Etats-Unis en criant des slogans à la mémoire des "soldats martyrs" [sehitler en turc] tombés récemment dans la lutte armée turco-kurde à l'est de la Turquie.

Arrivé sur le place, environ 200 personnes manifestent violemment devant la grille de la représentation américaine à Bruxelles. Des slogans hostiles, des insultes, beaucoup de drapeaux turcs et du MHP (Parti d'Action Nationaliste), je note rapidement dans mon carnet que la plupart des meneurs ont le visage couvert à l'aide des drapeaux un peu comme des hooligans lors d'un match de foot. Grimpant l'un sur l'autre, l'un des jeunes arrive finalement à décrocher le drapeau américain qui flottait derrière la grille de l'ambassade et c'est l'extase pour la foule qui quitte rapidement les abords immédiats du grillage. A 5 mètres, sur la route des tunnels bloqués, chacun tente d'arracher un morceau du symbole américain.


Perdu dans la foule, le conseiller communal schaerbeekois Halis Kökten (CDH) tente d'apaiser les choses mais sans succès. Déployés en grand nombre, les services de police essayent surtout d'encercler les manifestants en évitant soigneusement d'intervenir.

23h04, je suis paisiblement les jeunes loups gris qui s'excitent mutuellement pour mettre le feu au drapeau américain. Je filme un court extrait qui reflète assez bien l'engrenage nationaliste turc : "Yak!Yak!Yak!Yak!Yak!" (Brûle!Brûle!Brûle!Brûle!Brûle!) mais un jeune loup gris me reconnaît et commence à me crier dessus sur un ton menaçant : "Sendemi burdasin ?!" (Toi aussi es-tu là ?!).


Je range rapidement mon appareil et commence à m'éloigner mais le jeune veut absolument de faire lyncher par ses camarades. Il crie : "Hé ! Les gars ! C'est Mehmet Koksal, ce fils de pute de journaliste, ce traître à la patrie, notre ennemi ! Arrêtez ce connard, on va lui faire la peau !" Il répète plusieurs fois les mêmes phrases et je sens la tension monter. Puis, d'un coup, je vois 1, 10, 20, 30 personnes se diriger contre moi pour clairement me casser la gueule. D'autres jeunes tentent de les arrêter en expliquant que cela ne servira à rien mais ils sont rapidement dépassés. Je répète sans cesse que je n'ai rien fait et que je me contente de suivre calmement la manifestation mais impossible de placer un moment dans l'avalanche d'insultes qui pleut contre moi. On dirait que brûler le drapeau américain est devenu soudainement secondaire par rapport à la proie facile que je représente dans cette foule. Quelques jeunes me conseillent de partir en courant. Volontiers mais, d'après moi, je risque d'exciter encore plus la foule et à peine essayé, ma crainte devient réalité : un gars me bloque le passage et une vingtaine de personnes plonge sur moi en me rouant de coups de poings et de coups de pieds, essentiellement sur le visage. Je tombe par terre mais les coups continuent de pleuvoir jusqu'à ce qu'un autre jeune m'arrache et me pousse vers un véhicule de police. "Embarquez-le! Embarquez-le!", demande le jeune en criant à la policière qui refuse d'ouvrir la porte de son véhicule.

On continue la course vers la rue de la Loi, j'encaisse encore quelques coups à gauche et à droite puis c'est la délivrance. Un agent m'embarque et m'éloigne de la manifestation après avoir pris note de mon identité. Au final, je m'en sors bien avec quelques coups sur le visage, le dos et des griffes autour du cou. Heureusement qu'aucun de ces militants d'extrême droite n'avait sorti un couteau ou une arme à feu car... je n'aurai pas pu vous relater mon cassage de gueule devant l'ambassade des Etats-Unis.

jeudi, octobre 18, 2007

Procès : terroristes ou combattants armés ?

Jour 3 au procès bruxellois de la filière belge d’acheminement, de financement et de recrutements de combattants armés en Irak et le procès est marqué par l’apparition aujourd'hui du chef présumé du groupe : Bilal Soughir. Le personnage, le seul parmi les prévenus en détention préventive à la prison de Saint-Gilles, débarque à l’audience couvert d’un bonnet noir, une veste brune et une petite barbe mal rasée. Le regard noir fixé qui dégage un certain charme, ce jeune homme parlant parfaitement le français, Belge d'origine tunisienne né en Algérie et éduqué à Bruxelles, fêtera ses 34 ans le 21 novembre prochain.

Début de séance, le procureur fédéral continue l’instruction du prévenu Youness Loukili en soulignant les contradictions entre le prévenu et son conseil : "Alors que Monsieur Loukili précise qu’il n’a jamais mis les pieds en Irak, son conseil argumente en déclarant à la presse que le prévenu devrait être considéré comme un combattant et non comme un terroriste". Répondant partiellement aux devoirs d’enquête demandés par Maître Marchand, le procureur estime que les faits reprochés dans ce cas sont "des œuvres de particuliers visant à imposer un régime sans volonté d’établir des valeurs démocratiques" et qu’il ne faut donc pas considérer les intéressés comme des combattants engagés dans un conflit armé mais bien comme des terroristes.

La question juridique posée par Me Christophe Marchand garde toute sa pertinence puisque si son client est considéré par le tribunal comme "combattant dans un conflit armé", la loi sur les infractions terroristes ne pourra plus s'appliquer dans ce dossier. En évoquant des "œuvres de particuliers", le procureur fédéral veut justement pousser le tribunal à appliquer la nouvelle législation contre les infractions terroristes aux différents prévenus et demande en conséquence au président de déclarer non fondé les devoirs complémentaires exigés par l’avocat de Loukili.

Prenant la parole, Me Marchand critiquera "les silences du procureur fédéral" sur une série de questions juridiques qu’il a soumis. "Silence concernant l’article 6.3 de la CEDH à propos d’une défense effective et concrète, silence sur le rapport de la commission rogatoire aux Etats-Unis pour savoir ce qu’il s’est effectivement passé avec Muriel Degauque et son époux Issam Goris en Irak car tout tourne autour de l'interprétation découlant de ces faits que le procureur fait semblant d’ignorer. En effet, l’hypothèse du procureur à propos d’un réseau jihadiste se base justement sur les faits en Irak et donc tout acte par la suite sera forcément considéré comme un attentat terroriste. Je crois qu’il faut faire une différence entre un attentat à la bombe sur un marché rempli de civils et un attentat contre des combattants armés dans le cadre d’un conflit régulier. Enfin, silence du procureur concernant l’article 141 bis du code pénal sur la qualification ou non de ce qui apparaît effectivement en Irak comme un conflit armé interne et international ou des violences pluriquotidiennes sont perpétrés. Le droit humanitaire ne fait justement pas de différence et se limite à constater l’existence d’un conflit armé pour appliquer le droit international humanitaire. La question est de savoir si les combattants jihadistes constituent une armée, portent des armes et des uniformes avec des grades. Je vous signale, monsieur le président, qu’après la Deuxième Guerre mondiale, les partisans étaient également considérés comme des combattants après la guerre", rappelle l'avocat. Alors que Nadia Bouria, reporter à RTL-TVi, interroge pendant la pause Maître Marchand, je demande brièvement à Youness Loukili de réagir à l’argumentation développée par son conseil. "Vous considérez-vous comme un combattant ?" Le sourire amusé, l’intéressé me répondra ... qu’il "ne répond pas aux questions". Le tribunal prendra le sujet en délibération pour une décision attendue pour la fin de journée.

Lors de sa première comparution, Bilal Soughir sera essentiellement interrogé sur son séjour en Syrie. "Oui, je me suis bien rendu en Syrie fin janvier 2005 où je devais rencontrer Loukili mais je n’y suis pas arrivé. Je suis un très bon ami de Loukili et j’avais été averti de ses problèmes de santé par son ex-femme en Belgique. Elle m’a demandé si je pouvais aller en Syrie à sa place mais une fois arrivé à l’adresse fournie, il n’y avait personne sur place. Je n’ai plus eu de contact ni avec Loukili, ni avec sa femme en Syrie après son accident. Pendant un mois sur place, je l’ai cherché dans les entourages, les hôpitaux et les commissariats de police mais je n’ai eu aucune réponse", explique Bilal Soughir entouré de deux policiers qui montent sa garde. Le président du tribunal rappelle les pièces saisies lors d’une perquisition à son domicile où on retrouve deux billets d’avion achetés par Bilal Soughir pour le 03/05/05, l’un à son nom avec les destinations Damas-Milan-Tunis et l’autre au nom de Loukili pour la même date pour Damas-Milan-Casablanca. "Je corrige ce que j’ai déclaré précédemment, je suis revenu de Syrie à Bruxelles non pas directement mais en faisant escale à Milan. C’est vrai que j’ai acheté ces deux billets à destination de Tunis et du Maroc mais c’est probablement parce que je n’avais pas le choix à l’agence de voyage. Je n’ai pas rencontré Loukili ni en Syrie, ni dans l’avion à destination de Milan mais j’ai effectivement acheté un billet à son nom à titre conservatoire au cas où il réapparaîtrait". Le président revient à nouveau sur ces nombreuses contradictions en s’inquiétant ironiquement des pratiques commerciales douteuses des agences de voyage syriens : acheter d’un billet Damas-Tunis, descendre à Milan avec l’intention originelle de venir à Bruxelles. Cela ne fait pas très sérieux comme argumentation. "J’ai changé d’avis dans l’avion en descendant à l’aéroport de Milan", réplique Bilal Soughir sans vraiment convaincre le président. Acheter un billet pour son ami Loukili introuvable sur place en Syrie et à destination du Maroc ? "Oui, au cas où il réapparaîtrait, je me suis dit qu’il valait mieux qu’il parte pour le Maroc pour revenir ensuite en Belgique à cause de son accident. Sinon, arrivé en Belgique, on lui aurait demandé des choses sur les circonstances de son accident." Des circonstances qui restent toujours mystérieuses à ce stade du procès.

Petite pause et l’audience reprend à 10h15 où dès l’ouverture l’avocat de Loukili demande à s’entretenir en chambre de conseil. L’entretien, tenu secret, durera jusque 10h21 où le tribunal mettra fin à la journée pour délibérer sur les questions juridiques posées par l’un des avocats des inculpés. Combattants armés ou terroristes jihadistes ? Le tribunal devra trancher pour savoir la législation à appliquer...

mercredi, octobre 17, 2007

BHV expliqué par Vincent de Coorebyter

L'Union Progressiste des Juifs de Belgique (UPJB) organisait ce mardi soir (16/10/07) une conférence-débat intitulée “Comprendre l’Orange bleue” animé par Henri Goldman (revue Politique) avec d'un côté le politologue francophone Vincent de Coorebyter (CRISP) et de l'autre le politologue flamand Dave Sidarnet (Université d'Anvers) face à un public bilingue chargé d'arbitrer la traduction de certains termes de part et d'autre de la frontière politique.

Lors de ses passages répétées sur les tubes cathodiques de la châine publique francophone, j'ai toujours cru que le sorcier magique du Crisp avait un truc (oreillette, prompteur, copion) pour nous bluffer en récitant, comme si tout le monde le savait, le score électoral des partis lors des communales de 2000 dans chaque arrondissement ou encore pour expliquer simplement le mécanisme de l'arrondissement électoral BHV. Faux ! Le personnage est véritablement un distributeur automatique d'analyses politiques qui a l'art d'expliquer simplement ce qui semble si complexe en calibrant le message au format télévisuel. L'avantage avec internet, c'est qu'on peut regarder en boucle "BHV expliqué par Vincent de Coorebyter", ce qui permet d'étudier les arguments, pour ensuite aller faire le malin à l'école face au prof de néerlandais.

Dave Sidarnet (UA et Pavia) a surtout évoqué la crise au SP.A, les nuances à retenir dans le package institutionnel flamand, la campagne à gauche du CD&V (lors du Rerum Novarum), l'image problématique de Groen, la percée inattendue de la Lijst De Decker et le déclin du Vlaams Belang. Superbe soirée mi-sérieuse, mi-sarcastique pour le plus grand plaisir d'un public politique...


mardi, octobre 16, 2007

Loukili : "Je n'ai pas une mémoire sélective contrairement aux enquêteurs"

Ce mardi (16/10/07), deuxième jour du procès de la filière belge de recrutement, de financement et d'acheminement des combattants islamistes en Irak et toujours pas d'apparition du principal inculpé. Bilal Soughir, considéré comme le dirigeant belge de ce réseau sur base des techniques particulières de recherche, refuse toujours de comparaître devant le tribunal correctionnel de Bruxelles à cause de son refus de porter la cagoulle lors de son transfert de la prison de Saint-Gilles. L'intéressé invoque sa claustrophobie et des raisons dermatopathologiques et son avocate (maître Fernande Motte-De Raedt) défend durement sa cause face à un procureur fédéral qui perd patience.

En l'absence du principal inculpé, le président du tribunal a commencé l'interrogatoire du deuxième sur la liste qui est le "benjamin de la bande" : Youness Loukili. Belgo-marocain unijambiste à canne, crâne rasé, pantalon court, ce personnage souriant est notamment accusé par le parquet d'être "membre d'une organisation terroriste", de "faux et usage de faux" et de falsification de divers documents officiels, d'être "membre d'une association de malfaiteurs destinés à perpétrés des crimes et des délits", de "port public de faux nom"(celui de Bilal Soughir). Des préventions dont les qualifications sont certes lourdes mais dépassent généralement l'ampleur des délits commis, surtout en matière de faux administratifs.

Doté visiblement d'une certaine intelligence, Youness Loukili caresse sa barbichette, sourit et interagit en tentant de démonter par l'absurde l'argumentaire développé par le réquisitoire. "Je n'ai pas une mémoire sélective contrairement aux enquêteurs et je suis tout à fait étranger aux faits que vous avez décrits. Je suis étranger à tout ça car je n'en ai aucun souvenir. Tout se base sur un e-mail par lequel j'aurais entretenu des rapports avec d'autres personnes mais je vous signale que n'importe qui aurait pu prendre ma place en utilisant cette adresse. Il y a des milliers de Youness en Belgique, en Syrie ou au Maroc", explique l'individu. Ami de Bilal Soughir, Youness Loukili est suspecté d'être le passeur d'un groupe structuré chargé d'acheminer les combattants volontaires du territoire syrien vers les terrains de combat irakiens. Un raccourci totalement démenti par le prévenu malgré des preuves basées sur les écoutes téléphoniques, les transferts financiers et les conversations en ligne captées par les enquêteurs. Il avouera à peine une fraude aux allocations de chômage en précisant que, pendant son séjour en Syrie, "je me suis arrangé pour qu'on puisse pointer pour moi mais je ne me souviens pas avec qui j'ai arrangé cela".

Le président le confronte avec les déclarations d'un dénommé "Kerettin" arrêté en Algérie avec un boulanger anderlechtois belgo-algérien Bouazza Al Hadj (alias Abou Ousama) en lien avec le Groupe Salafiste de Prédication et de Combat où Kerettin déclare que Loukili aurait perdu sa jambe en Irak suite à un tir de rocket provenant d'un hélicoptère en plein combat. "Je n'ai jamais mis les pieds en Irak", réplique Youness Loukili. "J'ai perdu ma jambe lors d'un accident de roulage en octobre. C'est un épisode traumatisant pour moi et je ne veux pas en parler. D'ailleurs, je m'en souviens plus car je prenais beaucoup de médicaments, mes souvenirs sont flous." On ne perd pas une jambe sans laisser de trace dans un centre médical ou un hôpital, le président lui demande logiquement s'il a un rapport médical attestant cet accident. "Mon rapport médical a été confisqué par les services secrets syriens", répond l'intéressé sans vraiment convaincre l'audience. D'autant plus que le président avait déjà fait état, la veille, des tentatives de sa femme d'obtenir, sans succès, un rapport médical falsifié auprès de contacts syriens. "J'ai ramassé tellement de coups des services secrets syriens que je me rappelle plus des détails. Il suffit d'avoir une barbe pour qu'on vous arrête car les Syriens arrêtent tout et n'importe quoi. Renseignez-vous sur internet pour voir comment les services secrets syriens interrogent les prévenus", insiste Loukili sans détailler les tortures qu'il a subi lors de ses interrogatoires. Le 07/03/05, il se trouve au Maroc (sans explication) avant de revenir en Belgique. "J'ai également été interrogé par les services marocains. Ils m'ont demandé si j'étais membre d'Al Qaeda, si j'avais été en Irak, etc. J'ai expliqué que je n'avais jamais mis les pieds en Irak. A la moindre suspicion de terrorisme, le Maroc torture les détenus. Or, ils ne m'ont rien fait. Il y a des centaines d'agents marocains et syriens qui surveillent les entrées et les sorties en Irak et même eux ne m'ont jamais vu en Irak. Ici, à 3.000 km de l'Irak, je dois encore prouver que je n'ai jamais été dans ce pays, c'est vraiment ridicule. Si j'avais le courage d'aller en Irak, je prendrai des extraits du Coran et de la Sunnah pour prouver que les attentats suicides sont interdits dans l'islam. Je ne suis pas un terroriste !", précise Youness Loukili.

Nabil Karmun et Souhaieb Soughir prendront également brièvement la parole pour décrire le contexte du milieu étudiant en Syrie pour le premier et le parcours syrien pour atteindre la Thaïlande pour le second. Pissant à mes côtés pendant la pause judiciaire, Nabil Karmun m'expliquera que "les enquêteurs interprètent tout à leur manière. Ils exagèrent tout. Je n'ai été que pour étudier l'arabe en Syrie et rien d'autre. Alors on m'accuse d'avoir prêté une Seat à Bilal alors qu'il s'agissait de sa propre voiture. C'est vrai que j'ai envoyé une série de sommes d'argent dans des oeuvres caritatives musulmanes mais lier ces faits au financement du terrorisme international est totalement faux!", conclut le jeune homme qui se cache derrière son écharpe et sous sa casquette. Fin de séance, les débats reprennent ce jeudi... avec ou sans Bilal Soughir, le plus attendu des prévenus dans ce dossier.

lundi, octobre 15, 2007

Terrorisme : le procès de la filière belge des kamikazes en Irak

Ce lundi (15/10/07), j'ai été suivre l'ouverture du procès, devant le tribunal correctionnel de Bruxelles, de 7 personnes poursuivies pour avoir pris part à une filière d'envoi de terroristes en Irak. C'est un dossier que je connais bien étant donné que j'avais travaillé comme fixeur pour le New York Times afin de relater le parcours de Muriel Degauque, 38 ans originaire de Monceau-sur-Sambre près de Charleroi, petite catholique sans histoire convertie à l'islamisme radical et qui ira se faire sauter contre un convoi américain à Baquba (Irak) le 09/11/05 devenant probablement la première kamikaze belge.

Aujourd'hui à Bruxelles, ce sont les membres présumés de ce réseau d'acheminement de candidats au suicide qui sont poursuivis à l'aide des documents à charge contenus dans 108 fardes bleues et 2 gros cartons relatant de manière minutieuse le modus operandi des recruteurs islamistes.

Bilal Soughir, principal prévenu dans ce dossier et le seul a être en détention préventive, a refusé de comparaître en déposant un certificat médical précisant qu'il ne peut effectuer de trajet de la prison de Saint-Gilles au Palais de justice en ayant les yeux bandés et la tête cagoulée. Son avocate a estimé que de telles conditions de sécurité ne s'imposent pas dans son cas mais que si son client refuse de comparaître demain, elle pourrait se retirer provoquant ainsi une condamnation par défaut. Considéré par le parquet comme l'homme clé du réseau de recrutement terroriste en Belgique, l'avocate de Bilal Soughir a précisé que son client "nie absolument tout car l'ensemble des faits est basé sur des interprétations sorties de leur contexte. Pour reprendre une phrase de Talleyrand : 'Donnez-moi 4 lignes des conversations d'un homme et je le ferai prendre'. Mon client respecte la religion, déteste la radicalisation et il s'expliquera sur une série de conversations interceptées par les services de police", explique l'avocate du principal prévenu.

Le président du tribunal s'est limité pour aujourd'hui à lire, pendant près de 4 heures, un résumé des devoirs d'enquête effectués par la Sûreté de l'Etat, les policiers et les magistrats essentiellement basés sur des écoutes téléphoniques, des conversations par courriels et chat, des messageries instantanées (MSN Messenger), des analyses de comptes bancaires et voyages à l'étranger. L'enquête belge démarre les 25 et 26/07/05 avec deux rapports de la Sûreté de l'Etat concernant respectivement Nabil Karmun (suspecté de liens avec les Frères musulmans salafistes) et la famille Soughir (Bilal, Souhaieb, Qotob) dont le père (Abid) était déjà connu des autorités belges pour entretenir des relations avec les services secrets libyens, Abid sera d'ailleurs expulsé de la Belgique en1992. Le rapport détaille ensuite les nombreux numéros de GSM, les conversations, les relations, les transferts d'argent qu'entretient le dénommé Bilal Soughir avec une série de personnages où il apparaît souvent comme le principal fournisseur de faux documents et d'intermédiaire pour organiser le transfert des "frères" et "soeurs" d'un territoire à l'autre en attendant leur départ définitif pour accomplir leurs "noces en société".

Belgique, France, Italie, Kenya, Tunisie, Irak, Turquie, Thaïlande, Algérie, le rapport lu par le président du tribunal montre comment à partir de Saint-Josse et Schaerbeek, à l'aide de quelques moyens dérisoires, un petit groupe de jeunes éduqués en Belgique et influencés la mouvance fondamentaliste "taqfir" a réussi à créer un recrutement et de financement du terrorisme international. Le président relate aussi un langage codé utilisé par les membres du réseau : "faire ses noces" veut dire "commettre un attentat", "arrivé à la société" signifie "arrivé en terrain ennemi" dans ce noyau islamiste qui promet "la vraie vie" et récompense les intermédiaires de la filière par un pélerinage à la Mècque.

Le mercredi 9 novembre 2005 vers 11h30 (heure locale), Muriel Degauque sera retrouvée morte dans un attentat-suicide à Baquba où elle visait trois convois américains. A 12h28, ayant appris quelques minutes plus tôt d'un informateur sur place, Bilal Soughir téléphone à Pascal Cruypenninck (alias Abdelghani) pour lui annoncer "rien que de bonnes nouvelles". "C'est notre tour maintenant", lui répondra le converti belge résidant à Saint-Josse qui se prépare avec Angélique, épouse religieuse d'origine rwandaise, à "faire comme Myriam et son mari" c'est-à-dire comme Muriel Degauque (alias Myriam) et Issam Goris (alias Abou Abdel Rahmani). Ce dernier sera abattu d'une balle dans la tête 2 jours plus tard (10/11/05) en Irak alors qu'il portait une veste bardée d'explosifs et de mitraillettes. Quelques fuites dans la presse pousseront les enquêteurs à arrêter l'ensemble des membres du réseau le 30/11/05 afin d'éviter les risques de fuite vers l'étranger.

Le plus impressionnant dans ce dossier est à mes yeux l'utilisation des techniques de surveillance à travers les nouvelles technologies de communication (GSM et internet). De MSN Messenger à Meetic en passant par des logiciels de recopiage des écrans, les enquêteurs belges n'ont visiblement rien laissé passer dès l'identification des principaux suspects avec parfois l'aide des entreprises américaines pour le décodage des fichiers cryptés. Enfin, l'enquête montre aussi la vulnérabilité des systèmes d'identification sur papier et la facilité d'accès aux réseaux de falsification des documents à l'échelle internationale (notamment en Thaïlande et en Ukraine). Les prochains jours, la parole sera aux avocats des prévenus qui pourront répondre aux actes d'accusation particulièrement longs.

Génocide arménien : les dernières résolutions américaines

Voici le texte de la résolution sur le génocide arménien adoptée par la commission parlementaire américaine, une résolution similaire est soutenue au Sénat américain (notamment par Hillary Clinton). Le texte controversé doit encore être ratifié en séance plénière et l'administration Bush a déjà fait comprendre qu'il ne donnera clairement pas de suite à cette résolution ("non-binding" ou non-impérative) pour des raisons stratégiques dans sa lutte contre le terrorisme au Moyen-Orient. Pendant ce temps, les défenseurs de la liberté d'expression sélective n'ont pas traîné pour se faire entendre alors que ... le fils du journaliste assassiné Hrant Dink (Arat Dink) vient d'être condamné à 1 an de prison en Turquie pour avoir reproduit dans la revue arménienne (Agos) les propos de son père qualifiant de génocide les massacres d'Arméniens commis entre 1915 et 1917. Qui a parlé de liberté d'expression ?

Pour comprendre, de manière ludique, l'embarras de la Maison Blanche en ce moment sur le génocide arménien, il suffit de regarder l'excellent show (en anglais) de Jon Stewart sur Comedy Central...

dimanche, octobre 14, 2007

Martiniello : L'obligation d'apprendre la langue du pays peut avoir des effets néfastes et pervers

"Plus personne aujourd'hui dans la recherche ne soutiendrait l'idée qu'il est inutile d'apprendre la langue du pays dans lequel on va habiter. Si les pouvoirs publics poussent à cet apprentissage, ils encouragent aussi à l'intégration. Quant à savoir s'il faut aller vers l'obligation, c'est une question de choix politique. En tant que citoyen, je pense qu'elle peut avoir des effets néfastes et pervers", estime Marco Martiniello dans un entretien accordé au journaliste Pascal Martin pour Espace de Libertés (le magazine du Centre d'Action Laïque). Quel genre d'effets néfastes et pervers ? Impossible à savoir mais le professeur à l'ULg ressort le spectre de l'assimilation pour nous mettre en garde contre "une vision conservatrice de la société" européenne. "Le message consiste à dire aux nouveaux arrivants qu'ils peuvent aspirer à des droits à condition qu'ils remplissent d'abord des devoirs : apprentissage de la langue, respect de la loi, adoption des modèles culturels dominants. Il est intéressant pour le chercheur de constater que lorsqu'on met les devoirs avant les droits, on se situe dans le camp conservateur", explique ce chercheur sachant constater indépendamment de ses préférences politiques.

Il ajoute que "la discrimination positive peut parfois s'inscrire dans une logique assimilationniste. Il y a plusieurs approches, mais on peut dire clairement que tout ce qui est lié au respect de la diversité culturelle, au multiculturalisme ou à l'interculturalisme a souffert très fortement de ce qui se passe dans le monde depuis le 11 septembre 2001. Les Pays-Bas avaient déjà commencé un revirement avant cette date. Après les affaires Fortuyn et Van Gogh, ils ont revu complètement leur politique en disant qu'ils n'allaient plsu faire de multiculturalisme mais de l'assimilation, en insistant sur le respect de la culture néerlandaise, l'apprentissage de la langue, etc."

Pas besoin d'être directeur au CEDEM pour constater que les attentats terroristes du 11 septembre 2001 ont affecté la diversité culturelle de nos sociétés mais là où je ne partage pas du tout l'avis du professeur liégeois c'est concernant l'utilisation de l'argument "assimilationniste". J'entends souvent le même argument lors des débats au sein de la communauté turque où certains Belges passionnés, ne sachant toujours pas parler ni le français ni le flamand après plus de 30 ans de résidence, défendent avec passion le même argument en langue turque ("Bizi asimile edecekler" pour "ils vont nous assimiler"). De quoi être fasciné par le degré d'assimilation (politique et linguistique) qu'ils manifestent pour la société... turque tout en vivant principalement en Belgique. Obliger quelqu'un à apprendre la langue du pays où il compte habiter le restant de sa vie n'est, à mon avis, ni conservateur, ni assimilationniste. C'est au contraire aider la personne à mieux vivre en société pour entamer un vrai dialogue multicuturel à l'aide d'une langue commune partagée.

A lire : Immigration et intégration en Belgique francophone. Etat des savoirs, sous la direction de Marco Martiniello, Andrea Rea et Felice Dassetto, éditions Academia Bruylant.