Jean Demannez condamne l'immixtion de l'ambassadeur turc
Ce mercredi (25/04/07), l'opposition (MR et Ecolo) au Conseil communal de Saint-Josse a interpellé le Collège sur l'incendie criminel du 01/04/07 du local de la Fek-Bel (centre culturel pro-PKK) provocant d'importants troubles de l'ordre public dans la petite commune bruxelloise.
Tout en félicitant "la maîtrise de la police" dans ce dossier, Geoffroy Clerckx (MR) ne digère pas la minimisation des faits par le bougmestre Jean Demannez (PS) : "Même si les auteurs des faits sont des « kets », comme vous dites, et même s’ils n’ont probablement pas beaucoup réfléchi avant d’agir, oser affirmer que leur acte n’est pas politique comme la police et vous-même l’avez fait, c’est de la mauvaise foi crasse ou de la stupidité aveuglante! Je penche pour la première option dans votre cas… Car bien sûr, c’est par le plus pur des hasards que ces jeunes belges d’origine turque ont mis le feu à un centre culturel kurde et non pas russe ou arabe", souligne le conseiller libéral en demandant si les victimes (la famille kurde et l'association) ont bien été relogées ailleurs par la commune.
Dans la même foulée, Ahmed Mouhssin (Ecolo) insiste sur "le laxisme" du bourgmestre et son manque de "condamnation ferme de l'acte" car "les ingrédients de ce débordemment sont toujours bien présents pour que les faits se reproduisent. La preuve est que nous venons de recevoir un courrier d'une association au sujet d'une nouvelle agression entre Kurdes et Turcs. C'est un vrai problème politique qu'on devra résoudre. Si madame Mouzon en tant qu'antisioniste autoproclamée peut se rendre dans des conférences sionistes pour tenter de dialoguer, je pense que les Turcs peuvent également dialoguer avec les Kurdes de cette commune. Je pense monsieur le bourgmestre que vous minimisez ces faits graves essentiellement pour des raisons électoralistes. J'ai lu d'ailleurs que vous cherchiez un nouveau local sans logement à l'étage pour l'association kurde victime de l'incendie du 1e avril, ce qui laisse présager un nouvel incendie."
"J'ai ouvertement condamné ces faits graves et je les condamne à nouveau si c'est cela que vous voulez entendre", réplique Jean Demannez (PS) se félicitant au passage d'avoir "réussi à bloquer le débordements et les risques d'émeutes entre deux communautés". "Puis-je encore parler de kurde sans me faire insulter de tous les noms ? Parce que dans un journal turc [Hürriyet], l'ambassadeur turc me traite de tous les noms pour avoir utiliser ce terme, ce que je ne peux accepter. Suite à l'incendie, j'ai rencontré des gens, qui ne sont pas des représentants mais simplement des personnes qui pouvaient avoir une influence sur le milieu religieux, pour rappeler les obligations citoyennes de respect des lois du peuple belge. Je ne suis pas Kofi Annan ou Boutros Boutros Ghali et Saint-Josse n'est pas Waterloo. Nous faisons face à des problèmes qui viennent d'un pays étranger et ce n'est pas mon rôle de commencer à résoudre le fond de ce problème. J'ai rappelé aux deux délégations que des problèmes similaires existaient entre les Hutus et les Tutsis ou les Saharaouis et les Marocains mais ce n'est à nous de commencer à entrer dans ces problèmes. On était d'accord avec ces personnes qui ne sont donc pas des représentants que pour autant que le PKK reste d'un côté et que les loups gris de l'autre, tout ne se passe pas trop mal entre les deux communautés à Saint-Josse. Nous devons créer une situation de convivialité acceptable et exercer une pression sociale suffisante pour empêcher ce type de débordements des jeunes et des moins jeunes. Concernant la famille kurde, elle a été relogée et nous avons proposé un local culturel temporaire à l'association kurde."
Après le Conseil communal, j'ai demandé des précisions au bourgmestre suite à sa remarque à l'encontre l'ambassadeur turc en Belgique. Dans un langage grossier et peu diplomatique, l'ambassadeur Fuat Tanlay accuse le bourgmestre de Saint-Josse de séparatisme dans un entretien accordé à Yusuf Cinal et publié par le quotidien turc Hürriyet (21/04/07) : "Hé toi ! Qui es-tu ? Qui t'a donné cette mission ? Comment se fait-il que tu puisses qualifier mes compatriotes comme étant des Turcs, Kurdes, Arméniens, Assyriens ? Comment peux-tu inviter leurs représentants et te mettre avec eux autour d'une table de négociations ? Regarde un peu les personnes que tu as à ta table. La plupart sont des membres de l'organisation terroriste PKK... Mais qu'en est-il du séparatisme ethnique que tu pratiques ? Personne ne peut soumettre mes compatriotes à une telle division et certainement pas à une division sur base ethnique. Dire 'Je viens de parler aujourd'hui avec les Kurdes. Demain, je vais recevoir les Turcs et le lendemain les Arméniens et les Assyriens', cela est, à nos yeux, un séparatisme évident. Nous ne permettons jamais de diviser ainsi nos compatriotes!", précise Fuat Tanlay.
Des propos graves que Jean Demannez (PS) considère comme une ingérence : "Il n'appartient évidemment pas à un ambassadeur de porter des jugements sur les devoirs d'un bourgmestre. Je lui ai écrit une lettre pour marquer mon mécontentement et j'ai envoyé une copie de cette lettre au ministre de l'Intérieur, au ministre des Affaires étrangères et au gouverneur afin qu'il sache que je ne peux pas admettre de telles considérations de sa part. Je n'autorise pas que l'on s'immisce dans les responsabilités du maintien de l'ordre d'une commune. Certains l'ont appelé le gouverneur colonial et, sans vouloir entrer dans la vindicte, je trouve que l'ambassadeur turc sort très clairement de son rôle d'ambassadeur. Cela méritait de lui être rappelé. J'estime qu'il y a là une espèce d'immixtion d'un Etat étranger dans le nôtre puisque l'ambassadeur turc représente l'Etat turc."
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