mercredi, mars 28, 2007

Saint-Josse : L'opposition charge l'échevine de l'Instruction publique

Lors de la séance d'interpellations du Conseil communal de Saint-Josse de ce jour (28/03/07), Geoffroy Clerckx, chef de file de l'opposition libérale, a interpellé le collège sur la participation de l'échevine de l'Instruction publique, Hava Ardiçlik (PS), à propos de sa participation à la conférence négationniste du 15/02/07 intitulée "Regard sur le prétendu génocide arménien".

"Après avoir participé à une manifestation négationniste devant l’ambassade de France alors qu’elle était seulement candidate aux élections communales, madame Ardiçlik confirme ainsi qu’elle nie l’existence du génocide arménien. Avoir été présent à la conférence du 15 février n’équivaut en effet pas à assister à un colloque scientifique sur la question afin de se forger une opinion objective, mais bien à cautionner un discours de propagande niant farouchement le génocide de 1915. Vu le caractère très sensible du sujet, je pense que Mme Ardiçlik a commis une faute (de jeunesse ?) en participant à cette conférence, faute d’autant plus grave qu’elle est échevine de l’Instruction publique. Va-t-on réécrire les livres d’histoire à St-Josse dans le sens prôné par Mme l’Echevine ? ", s'inquiète Geoffroy Clerckx en se posant également "des questions sur le contenu des cours de langue et de culture dispensés par l'ambassade de Turquie dans les écoles de la commune, instaurés par votre prédecesseur à ce poste Emir Kir".

Après les explications du bourgmestre Jean Demannez (PS) expliquant qu'il n'a effectivement pas interdit la tenue de la fameuse conférence "parce que ce n'était pas illégal et parce qu'elle ne posait pas de problèmes en matière de sécurité publique" et "qu'il y avait une possibilité de débat, ce n'était pas un exposé", l'échevine de l'Instruction Hava Ardiclik a répondu au conseiller communal MR en déclarant : "Oui, j'ai été à cette conférence d'abord parce que j'y étais invitée et ensuite parce que je voulais entendre ce monsieur [l'orateur Yusuf Halaçoglu] dont on m'avait tant vanté les qualités. Je suis Belge d'origine turque mais je ne connais pas l'histoire de la Turquie, je me suis rendue à cette conférence uniquement pour l'écouter. Je n'ai pas participé, je n'ai pas posé des questions, je suis venue un peu après le début et je suis partie avant la séance de débat. J'ai été à cette conférence par simple curiosité. J'entends tellement parler de ce génocide que je voulais écouter ce conférencier qui a la réputation d'avoir une neutralité et qui travaille dans une université réputée en Turquie. Je n'ai jamais pris position sur le génocide arménien. C'est un problème entre deux pays, la Turquie et l'Arménie, et je n'ai pas à m'immiscer dans leur problème ! Je n'ai jamais tenu des positions négationnistes", précise l'échevine de l'Instruction.

"Il est possible que c'était une erreur", admet le bourgmestre socialiste. "Les membres d'un exécutif politique, quel qu'il soit, doivent savoir qu'ils ne sont pas des citoyens comme les autres et qu'il faut admettre que leur présence ou leur non-présence puisse faire l'objet de débat."

Chef de groupe PS au Parlement bruxellois et Présidente du CPAS, Anne-Sylvie Mouzon (PS) pique une vive colère contre l'opposition : "Ce qui me choque c'est que si j'y étais allée à cette conférence, m'auriez-vous posé la question ?" La réponse en duo de l'opposition (Geoffroy Clerckx et Ahmed Mouhssin) est immédiate : "Evidemment que oui! Essayez pour voir..." La socialiste Mouzon reprend la main en haussant d'un ton : "Je suis antisioniste (pas antisémite) et anticolonialiste mais je vais quand même dans les conférences où on défend Israël. Je vais dans ces conférences pour écouter et comprendre pourquoi ces personnes continuent de tenir de tels propos. Je suis une libre-exaministe, membre du Parlement régional et ce n'est pas un simple conseiller communal qui va me dire là où je peux me rendre!"

Revenant à la charge, l'échevine de l'Instruction tente de minimiser : "C'était ma première conférence et je n'étais pas à la manifestation devant l'ambassade de France que vous évoquez". Geoffroy Clerckx rappelle à l'échevine qu'il passait "ce jour-là devant l'ambassade de France et on s'est même serré la main, rappelez-vous et arrêtez de mentir". L'échevine persiste : "C'est faux!".

Le conseiller communal Ibrahim Erkan (CDH), présent le lundi dernier (26/03/07) à la conférence sur le génocide des Assyriens au Parlement européen, se lance dans un discours ambigu pour "féliciter le gouvernement de monsieur Erdogan. Il y a quelques années, il était encore impossible de parler de ce sujet et il faut reconnaître les efforts du gouvernement de monsieur Erdogan pour qu'on puisse parler du problème du génocide arménien. Peut-être que Monsieur Kir pourra mieux répondre à cette question que moi..." L'ensemble de la salle, y compris Emir Kir, plonge dans un fou rire compte tenu des ennuis politico-judiciaires du secrétaire d'Etat régional à ce sujet. Imperturbable, Ibrahim Erkan poursuit ses félicitations : "Monsieur Erdogan a eu le courage d'aborder la question du génocide arménien. Il est venu à Bruxelles et il a dit qu'il proposait une conférence entre les deux pays. Je trouve que c'est bien. Il y a quelques jours, j'ai moi-même participé à une conférence et puis des journalistes turcs m'ont interpellé sur le sujet pour savoir si je reconnaissais ou pas le génocide. Moi, personnellement, je n'étais pas là en 1915, vous pouvez d'ailleurs regarder ma carte d'identité à cet effet mais je ne veux pas entrer dans une polémique et j'espère seulement qu'on puisse arriver tôt ou tard à une solution de paix car je suis pour la paix."

"N'ayant pas été invité à la conférence, soit parce que je ne suis pas échevin, soit parce que je ne suis pas d'origine turque, je voudrais quand même intervenir", déclare Ahmed Mouhssin (Ecolo) qui revient sur les propos d'Anne-Sylvie Mouzon. "Madame Mouzon, si vous ne trouvez pas choquant la participation de l'échevine de l'Instruction à une telle conférence négationniste, je vais vous donner la liste des conférences où on nie le génocide juif pour que vous puissiez y aller et on pourra donc juger sur pièce si l'opposition refusera d'intervenir. C'est évidemment scandaleux qu'elle ait été à cette conférence d'autant plus qu'elle est échevine de l'Instruction publique!"

Anne Sylvie Mouzon réplique : "Ce n'est pas parce que vous lisez Mein Kampf que vous êtes nazi ! Elle s'est clairement écartée des propos tenus lors de cette conférence. Elle s'est rendue sur place pour simplement écouter des opinions qu'elle combat. Ce sont des Talibans qui nous disent où il faut s'informer et ce qu'on doit écouter ! Cessez de faire de la provocation avec ce sujet!" Intervenant dans le débat, la députée et chef de groupe écologiste au niveau communal, Zoé Genot, rappelle à la conseillère socialiste "que le PS a fait voter des lois condamnant clairement de tels propos et dire aujourd'hui, comme vous le faites, que ces lois ne seraient valables que pour certains génocides et pas d'autres, c'est avoir une attitude colonialiste et paternaliste! Je n'ai pas entendu que madame l'échevine s'écartait ou combattait les propos tenus lors de cette conférence, que du contraire..."

Le conseiller communal flamand, Jules Spooren (SP.A), intervient en fin de discussion pour placer sa citation de Voltaire : "Je ne suis pas d'accord avec ce que vous dites, mais je me battrai jusqu'à la mort pour que vous ayez le droit de le dire." Enervé par le lieu commun, le nouveau correspondant du quotidien La Dernière Heure intervient publiquement pour rappeler que "Voltaire était antisémite!". Le bourgmestre décide alors de clore l'incident...