lundi, avril 02, 2007

Saint-Josse : La patte des Loups-gris dans l'incendie du centre kurde pro-PKK

Dans la nuit du samedi-dimanche (31-01/04/07), 4 jeunes d'origine turque ont jeté un projectile enflammé dans le local de la Fédération des associations kurdes de Belgique (en abrégé "Fek-Bel" pour Federasyona kurdi Belçika) situé à la rue de Liedekerke à Saint-Josse. Le numéro 13 de cette rue abrite non seulement la Fek-Bel, un centre regroupant essentiellement des sympathisants kurdes de différentes tendances politiques (dont le PKK et le DTP), mais également une famille kurde avec 2 enfants ainsi que 4 hommes d'origine polonaise. L'attentat criminel a complètement détruit le local des militants kurdes sans faire de blessés graves.

"Les faits se sont produits entre 23h30 et minuit car nous ne dormions pas encore", m'a expliqué une voisine d'origine marocaine. "J'ai vu 4 personnes lancer quelque chose contre la vitrine du local. Ensuite, nous avons entendu un grand boum et une bagarre a rapidement éclaté entre plusieurs kurdes et quelques turcs au niveau du rez-de-chaussée. Il y avait une grosse panique et beaucoup d'insultes."

Toute la journée du dimanche, des insultes ont été échangées entre les deux camps. "A la suite de la diffusion des informations provocatrices par les radios, télévisions et sites Internet au service du lobby turc, des centaines de militants d'extrême-droite turcs ont effectué une razzia dans le quartier en arborant le drapeau turc, scandant des slogans ultranationalistes et faisant le signe de Loup Gris", explique le Collectif 1971 (Association des Arméniens Démocrates de Belgique, Associations des Assyriens de Belgique, Institut Kurde de Bruxelles et Fondation Info-Turk) dans un communiqué de presse. Le Collectif fait en réalité référence au lobbying intensif du journaliste ultranationaliste et négationniste turc Yusuf Cinal (correspondant du quotidien Hürriyet, gestionnaire du site internet Yenihaber.be et animateur sur la radio bruxelloise Anatolia 87.6 FM), plus connu comme lobbyiste-menteur pendant les dernières élections belges.

Ce n'est pas la première fois que des sympathisants d'extrême droite turcs décident de perpétrer des actes criminels en Belgique contre des résidents kurdes (dont certains soutiennent effectivement l'organisation terroriste PKK, le Parti des Travailleurs du Kurdistan). Des actes similaires (incendies criminels) ont déjà eu lieu en 1994, 1998 et 2005 contre différentes organisations kurdes.

Le "collectif des immigrés humiliés" publie le message d'un groupe nationaliste turc appelant à une agression le 02/12/06 en précisant qu'"une association du PKK-KADEK dans laquelle sont organisées des actions pour la Belgique s'est ouverte à Bruxelles (saint-josse-ten-noode) (...) juste à nos côtés, ils défient la Turquie. Mettons fin à cela !! Tous attachés à notre turcité, à notre drapeau et à notre mère patrie, réunissons-nous le 2/12/2006 pour leur rendre Bruxelles invivable. Déjà en 2000, nos grands frères, nos pères l'ont réussi. Ils nous ont confié le drapeau. C'est à nous de les arrêter!!!! Qu'ils comprennent qu'il n'y a plus de place pour eux à Bruxelles. Si nécessaire, œil pour oeil, dent pour dent!!!!!" Plus récemment, le 15/03/07, un communiqué de presse des Loups-gris appelant à "l'union turco-musulmane" placardé sur la vitrine d'un magasin de la Chaussée de Haecht annonçait déjà ces attentats "contre les sympathisants du PKK". Le communiqué contient un numéro de GSM renvoyant vers un répondeur (voice-mail) d'où on peut écouter la voix d'un homme qui déclare en turc : "Envoyez vos noms et numéros de téléphone par sms. Soyez prêts à tout moment!".

Ce lundi (02/04/07), une centaine de Kurdes ont à nouveau manifesté devant le siège de la Fek-Bel. "Depuis plusieurs mois, la jeunesse turque manipulée par des forces nationalistes cherche la provocation", m'a expliqué Hüseyin Ünal (51 ans, trésorier de la Fek-Bel, membre du parti pro-kurde DTP). "Ces jeunes sont manipulés. Nous n'avons rien contre la jeunesse turque et ils n'ont rien contre nous. Nous ne comprenons pas cette agression contre notre centre culturel qui n'est qu'un point de rencontre pour la communauté kurde en Belgique. Ce n'est pas un centre PKK même si des sympathisants du PKK fréquentent également le lieu. Notre centre accueille principalement les Kurdes de Belgique parmi lesquels figurent également des sympathisants du PKK. Ce sont aussi des Kurdes et nous ne pouvons contrôler l'opinion politique de tout le monde. Nous lançons un appel à la bonne conscience aux politiciens d'origine turque pour qu'ils mettent un terme au lobbying anti-arménien et anti-kurde dans ce pays. Nous sommes favorables au modèle fédéral belge, pas au modèle turc, il faudrait que les politiciens d'origine turque fassent clairement savoir qu'ils sont en politique en Belgique et pas en Turquie. Nous sommes ouverts au dialogue avec les représantants turcs et je compte d'ailleurs proposer une rencontre avec Emir Kir et d'autres personnalités turques pour qu'on puisse éviter ce type de bavure. Nous demandons aux autorités policières et judiciaires belges de trouver les coupables de ces actes criminels. Nous n'avons pas peur. " S'adressant à ses membres, Hüseyin Unal a rappelé qu'il ne fallait pas céder à la provocation car "frapper ou blesser des personnes ne nous mènera à rien de bon".

Plusieurs militants kurdes m'ont longuement exprimé leur désarroi par rapport aux manifestants turcs : "Ce sont les chiens du MHP qui ont mis le feu dans notre centre et puis ils viennent encore manifester pour nous narguer avec des slogans du genre 'Tu l'aimes ou tu la quitte'. Je me demande s'ils savent que nous ne vivons pas en Turquie mais en Belgique. Ils ne veulent pas que nous vivions en Turquie et maintenant ils viennent nous dire la même chose ici. Partir mais où ? Nous respectons tous les drapeaux. Personne ne manifeste contre les milliers de drapeaux turcs dans les cafés et les portraits d'Atatürk. Nous respectons le drapeau turc et nous n'avons rien contre la population turque. Nous ne comprenons pas pourquoi il nous serait interdit d'afficher le drapeau kurde. Même quand on n'est pas sympathisant du PKK, on est considéré comme des ennemis potentiels parce que kurdes. C'est vraiment parano... ils refusent notre existence et notre identité kurde." Une vingtaine de personnes ont ensuite crié des slogans contre la Turquie et les "fascistes du MHP".

Descendu sur les lieux, le bougmestre Jean Demannez (PS) a tenté d'apaiser la tension en expliquant aux responsables kurdes qu'il fallait à tout prix "éviter de donner des occasions d'affrontements. Des provocations sont possibles des deux côtés mais ce sera mauvais pour les deux communautés d'y répondre. Je vous propose d'entamer un dialogue, une fois le calme revenu, autour d'une table avec des représentants des deux communautés afin de réflechir ensemble sur le vivre ensemble."

A noter aussi que l'ambassade de Turquie regrette dans un communiqué "les événements qui se sont produits à Saint-Josse durant le week-end. Le comportement de sang-froid de nos citoyens, sans se laisser avoir par les provocations, contribuera au calme et à la sérénité. Nous prions instamment nos citoyens de collaborer avec les services d'ordre".