vendredi, mai 11, 2007

Efraïm Halevy et sa "menace existentielle" musulmane

J'étais de passage ce jeudi soir (10/05/07) à l'Université Libre de Bruxelles pour suivre deux conférences assez contradictoires. D'un côté (auditoire H1301), un panel intitulé "Are you a terrorist ?" où Bahar Kimyongür, Sukriye Akar et Musa Asoglu du DHKP-C et l'altermondialiste Raoul Hedebouw (pas de Guy Haarscher malgré cette affiche) attaquent la loi relative aux infractions terroristes ainsi que les mesures particulières de recherche instaurées par la ministre socialiste de la Justice et qui menaceraient les libertés individuelles de tout citoyen; de l'autre côté (auditoire H2215), Efraïm Halevy, ex-chef du Mossad (service de renseignements israéliens) et ex-ambassadeur d'Israël auprès de l'Union européenne, qui agite la menace terroriste et islamiste prenant sa source au Moyen-Orient et menaçant les pays du monde entier.

Ayant déjà longuement traité l'affaire des militants du DHKP-C, j'ai préféré écouter l'ex-dirigeant du Mossad (1998-2002) exposer son "éclairage nouveau sur le conflit israélo-palestinien" sous l'égide de l'Université Hébraïque de Jérusalem et avec le soutien des co-organisateurs de la soirée (Cercle Ben Gourion, CCLJ et UEJB).

Evoquant le récent sommet de la Ligue arabe à Ryad, Efraïm Halevy revient sur la "réactivation de l'initiative de paix arabe" signée à cette occasion par l'ensemble des pays arabes, y compris par l'Autorité palestienne, et il remarque que depuis le sommet de Khartoum en 1967, exactement 40 ans auparavant, les pays arabes sont passés d'une résolution des 3 "nons" (non à la paix avec Israël, non à la négociation avec Israël et non à la reconnaissance d'Israël) à une résolution des 3 "oui" (oui à la paix avec Israël,...). Efraïm Halevy estime également que "le Premier ministre palestinien (membre du Hamas) a de facto reconnu Israël lors de ce sommet étant donné qu'il n'a émis aucune réserve lorsque l'Autorité palestinienne, par la voix de son président, a soutenu cette proposition de paix". Mais de toute façon, "il y a certains détails dans cette initiative de paix qu'Israël ne peut accepter et n'acceptera jamais", conclut l'ex-diplomate.

"Il est impossible d'avoir la paix entre nous car trop de haine et trop de colère existent entre nos peuples. Un traité de paix âgé de 25 ans existe entre Israël et l'Egypte mais la grande majorité du peuple egyptien refuse les termes de ce traité. Un autre traité de paix existe aussi avec la Jordanie mais 99 % des Jordaniens rejettent la paix avec les Israéliens. Je ne crois pas dans un traité de paix mais je suis plutôt partisan d'un long accord interimaire de cessez-le-feu."

D'après Efraïm Halevy, "il existe 3 menaces importantes dans le monde : le terrorisme islamiste jihadiste, la prolifération des armes de destructions massives (nucléaires, biologiques,...) et le contrôle des réserves de pétrole. Ces 3 menaces ont leur origine dans le Moyen-Orient. On ne mesure pas une menace à partir de ce qu'il a effectivement causé comme dommage car il faut l'analyser à partir de l'intention. Une nouvelle alliance est en train de se créer entre les pays qui font face à cette terreur et il n'est pas possible de gagner la guerre contre le terrorisme islamique sans aller sur le terrain pour la combattre sur son sol. Tout comme il n'était pas possible de gagner la guerre contre l'Allemagne nazie sans se rendre en Allemagne".

Ce qui m'a assez choqué dans les propos de cet ex-agent secret israélien fortement éduqué est son virage progressif vers l'islamophobie moderne. En effet, Efraïm Halevy plonge après quelques minutes en plein dans l'amalgame entre musulman et terrorisme en comparant le taux de natalité et la menace jihadiste globale. J'ai filmé cet extrait islamophobe où il relate sa rencontre avec un ex-agent secret russe inquiet de la croissance de la population musulmane à Moscou et où il évoque "une solution existentielle" face à cette "menace existentielle"...


Après ce genre de discours publics, que les autorités de l'ULB ne viennent plus nous raconter des salades sur leur "chantier des valeurs" et la nécessité d'un débat contradictoire pour contrer certains orateurs musulmans. La liberté d'expression ne se limite pas à applaudir des discours antimusulmans dans les auditoires du libre-examen et si l'ex-chef du Mossad peut venir librement (et sans contradicteur) exposer sa vision sur l'impossible paix au Moyen-Orient, il faudra également permettre à une quelconque voix prônant la paix de se faire également entendre dans les mêmes lieux.