vendredi, mai 11, 2007

Azizah al-Hibri sur le Coran de Jefferson

Ce mercredi (09/05/07), j'ai eu une intéressante conversation avec le professeur de droit Azizah al-Hibri, directrice et fondatrice de Karamah, une association de femmes juristes musulmanes basée à Washington D.C., qui était de passage à Hasselt et à Anvers pour expliquer sa vision de l'islam à partir de son expérience en Amérique du nord. Elle m'a expliqué que "les femmes musulmanes en général subissent une double pression : la première émanant de leur milieu conservateur qui tente de reproduire un système basé sur le patriarcat et la seconde provenant des milieux féministes sécularistes. Tout le monde prétend se battre pour les femmes musulmanes mais en fin de compte, personne n'essaye de les écouter"... suggérant évidemment qu'elle veut elle, au contraire, les écouter. Mais à la différence de beaucoup d'autres figures médiatiques, Azizah al-Hibri peut au moins se vanter réellement d'avoir été à la rencontre des musulmanes du bout du monde, y compris de Flandre, en plus de bien connaître le contexte américain.

Un contexte qui est évidemment devenu plus difficile depuis le 11 septembre 2001 car "la communauté musulmane américaine a dû affronter une analyse microscope des autorités qui ont invoqué des raisons de sécurité pour faire le nettoyage. Ceci a conduit à ce que de nombreux dirigeants soient écartés et à une recomposition importante du monde associatif musulman aux Etats-Unis".

Quand j'ai critiqué ses écrits en l'interpellant sur sa volonté de défendre à tout prix le modèle américain auprès des musulmanes du monde entier, elle m'a étonné en répliquant que "votre sécuralisme européen est quasi étouffant et anti-religieux alors que notre sécuralisme américain laisse un espace pour la liberté de conscience et la liberté de pratiquer sa religion". J'étais assez étonné d'apprendre que le Coran, sur lequel Keith Ellison (le député américain musulman du Minnesota) a prêté serment, avait été emprunté à la réserve précieuse de la librairie du Congrès et que cette version en deux volumes avait appartenu à l'époque à Thomas Jefferson, l'un des pères fondateurs des Etats-Unis.

Réagissant également sur la persistance de la polygamie dans le code de la famille marocaine (Moudawana), Azizah al-Hibri estime que "la réforme n'est qu'une étape vers la bonne direction et d'ailleurs on ne pouvait pas attendre mieux dans le contexte marocain où les hommes restent accrochés à leurs privilèges dans une société dominée par un système patriarcal".