Saint-Josse : la prière sur une voie de garage
La petite mosquée sans nom de la rue de la Limite à Saint-Josse ressemble à un ancien garage : un long couloir qui débouche sur une salle d'environ 20 emplacements de voitures réaménagée aujourd'hui en salle de prière pour la communauté musulmane arabophone du quartier. Un tapis rouge à l'entrée invite le fidèle à se déchausser, emprunter la rampe d'escalier à sa droite pour atteindre la salle des ablutions située dans le sous-sol qui compte 8 robinets à eau tiède ainsi que 4 toilettes turques.
L'endroit est bien entretenu. Après la purification du corps, il faut remonter pour se purifier l'esprit en écoutant le prêche d'un imam barbu à l'accent tangérois réciter et commenter quelques versets en arabe classique et en dialecte marocain (darija). C'est bilingue mais incompréhensible pour celui qui ne maîtrise aucune de ces deux langues. En tout cas, ça permet de se rendre compte que la plupart des Marocains de Belgique ne comprennent pas l'arabe classique à moins d'avoir suivi une bonne éducation dans le pays d'origine. Ainsi, à l'instar des Turcs de Belgique, ils se contentent généralement de réciter des versets coraniques par coeur sans vraiment comprendre la signification de leurs prières. De quoi rappeler les messes en latin à certains ex-chrétiens.
Ce garage transformé en mosquée sans nom est en réalité une succursale de la mosquée-école située dans la rue perpendiculaire (rue du Moulin) dénommée officiellement "Association culturelle de l'enseignement et de l'éducation". La mosquée de la rue de la Limite a été inaugurée pendant les dernières élections communales de 2006 par le bourgmestre Jean Demannez (PS) ainsi que ses deux colistiers socialistes Ahmed Medhoune (devenu échevin) et Abdesselam Smahi (conseiller communal). Ce dernier était d'ailleurs présent durant cette prière du Ramadan. Je précise, à l'attention de tout administrateur de mosquée, que la couleur du tapis rouge à l'entrée n'a probablement aucun lien avec les préférences politiques des dirigeants de ladite mosquée et que l'inauguration du lieu de culte par un bourgmestre socialiste n'est que pure coïncidence.
Ces deux mosquées (rue de la Limite et rue du Moulin) sont réputées être proches de la mouvance indienne Tabligh (mouvement fondamentaliste qui applique des codes stricts de droit islamique avec notamment des codes vestimentaires et des méthodes minutieuses en matière de pratique religieuse) et comptent sur une clientèle, majoritairement marocaine, très pieuse. Sous la direction de l'imam Moustapha Nouhi, l'association propose des cours de langue arabe et de religion aux "jeunes" et bénéfie d'un (petit) subside des autorités communales.
Il y a intérêt à s'exercer un peu avant d'y aller prier car le premier cycle se fait de manière individuelle et libre. Au pire, vous pouvez attendre plus longtemps à un certain niveau, ça fait toujours sérieux, pour ensuite embarquer sur un autre rythme. Evitez de copier les gestes sur votre voisin direct (fixer une autre personne dans la salle), vous passerez vraiment pour un bleu. Encore une différence que j'ai pu constater pendant cette prière, les fidèles de cette mosquée remontent les mains à chaque retour en position debout, un geste qui n'existe pas dans la façon de prier des Turcs. Le rythme de la prière est, par contre, beaucoup plus confortable comparée à la vitesse express de la mosquée de Laeken. Le deuxième cycle de prière est guidé par l'imam-en-chef qui jouit d'une place privilégiée dans la salle. A chaque fois, qu'il prononce un mot qui ressemble à "darling" (ou "ouelet daarling"), l'assemblée reprend en choeur "aaaamiiiinnn" (amen en arabe).
L'accès à la salle de prières (rue de la Limite) est trompeur puisqu'il faut prendre la porte latérale et non l'entrée principale au bout du tapis rouge. Dès le début, il est bien de saluer à voix basse (mais audible) l'assemblée en prononçant la formule magique : "salamou aleykoum" ("que la paix soit sur vous"). Une fois assis dans la salle, si un autre visiteur vous salue, il suffit de prononcer la formule en sens inverse ("aleykoum salam"). La position des fidèles dans l'ancien garage est assez troublante puisqu'il faut prier en direction de la rue étant donné que la direction de la Mecque pointe vers cette direction. Les motifs du tapis vert dans la salle des prières indiquent que les fidèles doivent d'abord se concentrer autour des rectangles clairs avant de déborder sur le couloir de passage. A l'intérieur, on aperçoit 3 petites bibliothèques avec des exemplaires du Coran (uniquement en langue arabe) ainsi qu'une rampe d'escalier qui mène vers une arrière maison. A la fin, ne remettez surtout pas vos chaussures sur le tapis, il faut les remettre à même le sol carrelé.
A noter que prier est essentiellement un acte de souffrance : rester en position accroupie inconfortable à réciter continuellement les mêmes versets dans une langue étrangère n'est pas de nature à rendre joyeux les fidèles. D'ailleurs, à l'église, au temple ou à la mosquée, c'est le sens de l'humour qui me manque le plus. Il faut continuellement tirer la tronche, si tu ne sais pas pourquoi, ton voisin le devinera...
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