mardi, septembre 25, 2007

L'appel à la prière à côté du drapeau américain

"Frimeur", "bluffeur", "beau parleur", tout ce qu'il ne faut pas lire en tant que simple journaliste bénévole. Ainsi, certains de mes lecteurs m'ont envoyé de petits mails semi-méchants quand j'avais annoncé publiquement l'invitation de l'ambassadeur américain pour sa soirée Iftar en précisant que je comptais aussi prendre un café avec W Bush. Après la publication de l'invitation personnalisée de Sam Fox, voici donc un extrait de la carte de visite de "Deubeuliou" Bush (aucun lien de parenté avec le célèbre locataire de la Casablanca à Washington DC) pour faire taire vos mauvaises langues. Comment ? C'est bon, j'accepte vos excuses.

Passons maintenant à quelques petits détails durant cette soirée. Je ne vais évidemment pas vous raconter les discussions "top-secret" que j'ai pu avoir avec l'ambassadeur Sam Fox ou son adjoint "minister-counselor" Wayne Bush mais il est clair que les deux hommes s'intéressent beaucoup à l'image des Etats-Unis au sein de la population musulmane. Ils viennent d'arriver en Belgique et ils commencent seulement à découvrir la gestion d'un pays... sans gouvernement.

L'un des points les plus marquants durant cette soirée Iftar était l'impressionnant appel à la prière chanté par Halil Koca (parfait bilingue FR-NL), membre de l'assemblée générale de l'Exécutif des musulmans de Belgique. Imaginez un peu la scène : 25/09/2007, résidence de l'ambassadeur des Etats-Unis, à côté d'un grand drapeau américain et de deux salles de prières (hommes et femmes séparés), ce muezzin d'origine turque monte quelques marches et commence la récitation en arabe classique : "Allahu akbar, allahu akbar!" [etc]. Silence immédiat, l'assemblée (d'une vingtaine de personnes) contemple ce moment de recueillement qui annonce la rupture. C'était d'une beauté vraiment impressionnante ! L'espace d'une soirée, l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Bruxelles se transforme ainsi en lieu de culte islamique. Voilà un endroit qui mériterait un beau "screening", n'est-ce pas ?

Deux salons de négociations ont été transformés en débit de prière : à gauche pour les hommes et à droite pour les femmes. Des petites pancartes guident les fidèles : "men", "women", à l'entrée une affiche [take off your] "shoes", des petits tapis de prière ainsi qu'une indiciation "ka'aba" indiquant la direction de la Mècque. Pas de contrainte en religion, ceux qui le désirent sont cordialement invités à prier tandis que les autres s'écartent lentement afin de pouvoir continuer leur discussion sans déranger les pratiquants.

Le cuisinier-en-chef, d'origine philippine, a préparé une table essentiellement maghrébine : soupe harira, riz et poulet aux prunes, sucreries marocaines accompagné d'un groupe de musiciens marocains. Pure coïncidence, j'étais à la table bleue avec "El Blue" alias Mohammed Tijjini (conseiller de Didier Reynders mais invité en tant que Président de l'association Citoyenneté Plus), Halil Koca (AG de l'EMB), Youssef Souissi (VOEM), le converti flamand Stefan Driesen (Encare) et Wayne Bush. Je n'ai aucune idée sur le critère de sélection de l'ambassadeur mais la plupart des autres invités était des jeunes filles musulmanes hautement diplômées.

En parlant avec Wayne Bush sur l'actualité, le "Deputy Chief of Mission", soit le n°2 de l'ambassade, m'a exprimé son étonnement à propos des débats passionnels qui surgissent en Belgique ou en France à propos du port du foulard dans les écoles : "Si une gamine débarque à l'école américaine avec son foulard, l'institutrice demandera probablement à l'élève de faire un exposé à ce sujet pour informer les autres élèves de la classe sur sa culture et sa religion et ensuite on continuera le cours normalement. La liberté religieuse est l'un des principes fondateurs de la société américaine et on a souvent du mal à comprendre certains débats européens à ce propos".

J'ai ensuite demandé à l'ambassadeur un petit commentaire sur la crise politique belge : "Comme je l’ai déjà dit à maintes reprises, peu m’importe si le Premier ministre belge s’appelle Verhofstadt ou Leterme ou encore un autre, je suis prêt à faire du business. Je n’ai pas de craintes pour la survie de la Belgique car, bien que le système belge ne fonctionnerait nulle part ailleurs, il marche bien ici. Pour autant qu’ils soient élus, il n’existe pas de personnalités politiques belges avec lesquelles je refuserai de travailler", a déclaré Sam Fox, l'un des plus gros sponsors de l'actuel président américain. Dans son discours officiel, le nouvel ambassadeur, dont la nomination a fait l'objet d'une vive polémique, a rappelé qu'il était "un Américain de la première génération, le fils de parents immigrés. Ma mère et mon père ont fui les persécutions religieuses en Ukraine il y a presque un siècle. Ma mère quitté l'Europe pour l'Amérique en passant par le port d'Anvers en 1921".

En épluchant la documentation fournie, j'ai pris notes pour vous de quelques chiffres importants sur les musulmans aux Etats-Unis : plus de 2,3 millions de musulmans américains, dont 65% sont nés à l'étranger, 1.209 mosquées répertoriées, chiffre moyen de 1.625 fidèles par mosquée, 30% de convertis.