IKMB à Laeken pour une prière express musicale
Cette nuit, rendez-vous pour la prière à la mosquée turque des Süleymanci (se prononce Suleymandji... pensez à Jumanji) à Laeken. Officiellement, le lieu de culte porte le nom de "Belçika Islam Kültür Merkezleri Birligi", la section belge de l'IKMB (Union des centres culturels islamiques) fondée en 1973 à Cologne (Allemagne) mais parmi les Turcs, on les identifie comme étant des "Süleymanci" en référance à leur guide spirituel Süleyman Hilmi Tunahan, une confrerie conservatrice de droite réputée pour l'enseignement d'un code de conduite et une moralité très strictes. Politiquement, on pourrait les situer à l'aile droite de l'ex-PSC.
Ancienne usine complètement rénovée, leur QG à Laeken est plus qu'une mosquée, c'est également un internat pour enfants avec des horaires et une discipline dignes d'un service militaire. L'enclos compte deux entrées mais il est préférable d'emprunter la grille officielle sur la rue Charles Demeer afin d'atteindre plus facilement la salle des prières. L'autre entrée sert actuellement d'entrée pour les voitures des fidèles. La logique veut qu'on enlève ses chaussures (comme partout) avant de s'élancer vers le premier étage pour écouter le sermon du jour dont le thème est... la propreté. Propreté d'esprit, propreté de corps, l'homme à la quarantaine parle uniquement en langue turque en expliquant à son public la nécessité de se purifier le plus rapidement possible et de marcher vers le droit chemin.
Le décor est magnifique : un tapis beige unicolore et du carrelage arabisant de la couleur turquoise avec des écritures reproduisant notamment le nom d'Allah et de Mohammed. Au fond à gauche, un coin pour le sermonneur et à droite une construction décorative dans un style rococo. Dans le fond également, on retrouve 3 lustres de taille différente pour éclairer la première rangée.
Malgré la grande capacité de la mosquée, il n'y avait qu'une petite cinquantaine de fidèles (dont 20 adolescents) pour cette importante prière du Ramadan. Après le sermon, un jeune d'une vingtaine d'années a revêtu le costume d'imam-en-chef (robe noire et chapeau rouge-blanc) pour guider la prière à travers un micro-cravatte. Un exercice, contrairement aux habitudes marocaines constatées ailleurs, d'une rapidité essoufflante ici. Il est fortement recommandé de tester ses cordes vocales et d'apprendre la prière intitulée "Allahuma Salli" car on vous demandera de chanter en choeur ce refrain classique à la fin de chaque cycle de prière.
L'erreur qu'on commet généralement en abordant les religions en général et l'islam en particulier est ce réflexe cartésien qui cherche une logique ou un raisonnement sensé à chaque action. Ainsi, je me demande par exemple ce qui motive ces Turcs à dépenser tant d'énergies à vouloir réciter ces sourates par coeur dans une langue qu'ils ne comprennent absolument pas (alors que, paradoxalement, leur retard linguistique dans le pays d'accueil est souvent l'un des plus élevés). Il m'arrive aussi de m'interroger sur l'utilité de liquider illico presto ces prières sans vraiment les savourer alors qu'elles prennent parfois des heures ailleurs.
Sur le chemin du retour, je me suis mis à réfléchir sur ces hommes et ces femmes, fraîchement débarquées en Belgique suite à un mariage, qui passent des jours et des mois à apprendre à réciter par coeur des centaines de pages en arabe classique sans jamais chercher la signification de ce qu'ils aiment lire. Et puis, je me suis dit que l'erreur était chez moi car une religion est par définition une relation métaphyisque avec l'au-delà et qu'il ne sert à rien de vouloir argumenter logiquement. Il faudra surtout essayer de rendre un jour l'apprentissage du français et du néerlandais aussi valorisant religieusement et socialement afin d'amener les gens à aimer apprendre sans pour autant comprendre l'ensemble de la complexité de ce qui les entoure.
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