La télévision flamande offre un visa pour la Belgique ... en guise de dot
"Les chiffres ne mentent pas : deux tiers des Turcs de Belgique se marient avec une personne vivant en Turquie. Mais l'immigration par mariage n'est pas un phénomène qui se limite à la communauté turque. Les deux tiers des Belges d'origine marocaine se marient également avec quelqu'un du pays d'origine", annonce le communiqué de presse de la VRT (chaîne publique flamande) qui a envoyé une équipe de journalistes pendant 5 semaines à Emirdag (Turquie) pour suivre les mariages de l'été. Le reportage de 43 minutes sera diffusé ce dimanche (23/09/07 à 20h00) sur la chaîne publique flamande dans le cadre de l'émission Panorama.
Wim Van den Eynde, Jan Puype et Sunbul Karakaya ont ainsi passé 5 semaines dans cette petite localité anatolienne dans le but de comprendre les raisons qui poussent 2 Belgo-turcs sur 3 à vouloir absolument se marier avec une fille ou un garçon habitant dans le district d'Emirdag (2714 km², 1 centre-ville, 4 communes et 70 villages).
"Les filles d'ici sortent, elles vont dans les dancings, elles ont presque toutes un petit ami", explique Abla dans le reportage, une mère de 4 garçons vivant à Gand, évoquant de manière négative les filles d'origine turque en Belgique. Un avis que semblent partager ces 4 fils. Abla part donc dans la petite localité d'Anatolie centrale à la recherche de la belle-fille idéale [lire : soumise à la belle-famille] qu'elle compte marier à son fils aîné Davut. Un cas qui est loin d'être isolé puisqu'une grande partie des Turcs de Belgique font le même parcours pendant les vacances d'été.
Le reportage n'évoque ni la problématique des mariages blancs [simulation d'un mariage dans le but d'obtenir le droit de séjour en Belgique], ni celle des allocataires sociaux possédant des biens luxueux en Turquie. "Nous avons volontairement fait l'impasse sur ces sujets car l'objectif était de comprendre la logique des vrais mariages mixtes belgo-turcs dont le fonctionnement reste incompréhensible pour l'opinion publique flamande", m'explique Sunbul Karakaya, ex-attachée parlementaire de Fatma Pehlivan (SP.A) et actuelle coordinatrice de projet au SAVM. "La frontière entre mariages blancs et mariages arrangés est assez floue. Le mariage arrangé par un parent ou un intermédiaire, qu'on appelle en turc 'görücü usülü' [se prononce : gueurudju ousulu], est une pratique très courante dans la mentalité des gens d'Emirdag. Ce sont des vrais mariages préparés et organisés par les familles mais avec la possibilité laissée à la fille ou au garçon de dire 'non'. Il y a vraiment des histoires d'amour par sms ou par téléphone pour des jeunes filles vivant en Belgique et n'ayant encore jamais connu une petite histoire d'amour de leur vie. L'ambiance est très particulière là-bas, ce qui fait que même ceux qui n'ont parfois pas l'idée de se marier reviennent en Belgique, presque à leur insu, après avoir contracté un mariage. Il reste difficile d'expliquer aux gens de cesser ces pratiques qui causent très souvent d'énormes problèmes d'intégration, pour les deux familles, une fois arrivée en Belgique. C'est simple, une jeune fille dans un village à Emirdag n'a aucune perspective de développement. Elle rêve de se marier pour pouvoir manger dans un restaurant avec son mari ou faire une promenade dans un parc, des choses qui peuvent nous paraître très simples mais qui représentent des rêves pour ces filles qui vivent dans un environnement essentiellement rural. La belle-mère espère pouvoir se vanter auprès de son entourage en faisant travailler sa belle-fille dans les tâches ménagères et le marié sera content de pouvoir continuer sa vie de jeune garçon avec ses amis étant donné que la famille s'occupe de sa femme. Je caricature bien sûr mais l'idée générale reste celle-là."
J'ai aussi demandé à Sunbul si l'équipe de tournage avait eu des difficultés de tournage : "Oui car les gens sont très méfiants. Certains craignaient qu'à cause du reportage, l'ambassade pouvait retarder la délivrance du visa ou que les autorités belges pouvaient couper les allocations de chômage après avoir vu les maisons. Nous avons bien précisé que notre objectif n'était pas de mettre les gens en difficulté mais d'expliquer le phénomère migratoire par regroupement familial. En tout cas, les autorités d'Emirdag nous ont accordé les autorisations de tournage. Nous avions plus de 100 minutes de rush et il est difficile de parler de tout dans un reportage de 45 minutes. C'est vrai qu'une famille s'est fachée contre nous quand elle a entendu les commentaires des personnes en Turquie par rapport à ceux qui vivent déjà en Belgique mais il faut garder à l'esprit que chacun tente de jouer son meilleur rôle face à la caméra. L'émission est entièrement sous-titré en néerlandais mais les personnes parlent en français, turc et néerlandais dans le reportage", conclut la collaboratrice de la VRT.
Ce reportage est à mettre en parallèle avec le documentaire de 32 minutes du cinéaste belgo-turc Mustafa Balci, Mariage, aller-retour (2006), qui indiquait déjà que "de retour à Bruxelles, les jeunes couples se disloquent…".
A voir donc ce dimanche 23/09/07 sur la VRT : émission Panorama à 20h00, Een visum als bruidsschat [Un visa en guise de dot], un reportage de 43 minutes réalisé par Wim Van den Eynde, Jan Puype et Sunbul Karakaya.
[UPDATE] : voir le reportage sur internet
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