Un marché aux esclaves à Emirdag
Excellent reportage, Een visum als bruidsschat [Un visa en guise de dot], ce dimanche (23/09/07) sur Canvas (VRT - émission Panorama) à propos des mariages estivaux à Emirdag. Cette enquête de 5 semaines de Wim Van den Eynde, Jan Puype et Sunbul Karakaya ne reflète, malheureusement, que la triste réalité des mentalités conservatrices et de la prédominance des pratiques traditionnelles difficilement acceptables pour l'opinion publique européenne.
J'ai vraiment adoré la scène du marché du mardi où "Abla", cette Gantoise d'origine turque qui parle parfaitement le flamand, se rend au centre-ville d'Emirdag pour faire ses courses et dénicher aussi des tuyaux pour trouver sa future belle-fille. On se croirait aux marchés aux esclaves... car c'est bien une esclave qu'elle cherche à importer en mariant son fils aîné à une jeune fille qui ne pourra ni vivre seulement avec son mari, ni travailler de manière indépendante. D'ailleurs, il paraît que la scène où elle montre les maisons luxueuses de ses proches dans le village d'origine (Demircili) aurait fait grincer les dents des mêmes allocataires sociaux en Belgique. L'autre moment historique était la chute de l'enquête où on pouvait voir que ceux qui n'avaient pas pu trouver chaussures à leur pied avaient tout simplement décidé de patienter jusqu'à la prochaine "saison"...
Le reportage montre bien que des mariages peuvent effectivement se contracter sans que les mariés n'aient vraiment le temps de se connaître. A cet égard, le témoignage du photographe Adem Ugurlu est assez significatif : "Souvent, c'est dans mon studio que les mariés se retrouvent pour la première fois tout seuls. Ceux-là connaissent au moins le prénom de son partenaire". Ensuite, si j'ai bien suivi les arguments développés dans le reportage :
- les filles "européennes" [turques ayant le droit de résidence] espèrent trouver un conjoint plus mature mais aussi plus maniable
- les garçons "européens" préfèrent se marier avec une femme "plus traditionnelle", plus fidèle et totalement dépendante de son mari
- les filles d'Emirdag cherchent un mari "présentable" en public et une occasion pour s'installer en Belgique dans le but de faire venir, a posteriori, le reste de la famille
- les garçons d'Emirdag ne veulent pas étudier pour gagner en fin de compte 230 euros par mois, les filles "européennes" représentent presqu'exclusivement la seule chance de promotion sociale.
Ce que ne montre pas le reportage est la grande connaissance des habitants d'Emirdag en matière de droit des étrangers dans les pays européens. Ainsi, les filles "hollandaises" [turques résidant aux Pays-Bas] n'ont plus la cote parmi les candidats depuis que ce pays oblige l'apprentissage de la langue avant l'accès au territoire. La France et l'Allemagne devront probablement suivre la même évolution. La Belgique reste, pour l'instant, le pays "le plus facile" en matière de regroupement familial.
Le point négatif du reportage est de présenter "les Turcs" à l'opinion publique flamande à travers le prisme des Emirdaglois les plus conservateurs en matière de moeurs. Un tel reportage choquera probablement l'opinion publique belge comme il choquera l'opinion publique des grandes villes turques (Ankara, Istanbul ou Eskisehir). Petit exercice de syllogisme illogique : Si tous les Emirdaglois sont Turcs, si tous les Turcs sont conservateurs, tous les Emirdaglois sont-ils conservateurs ? Si oui, alors tous les Turcs sont Emirdaglois...
[UPDATE] : voir le reportage sur internet
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