lundi, juillet 09, 2007

Mémoire sur le blocage belge sur la pénalisation du génocide arménien

Etudiant en sciences politiques à l'Université de Liège, Geoffrey Grandjean vient de présenter un mémoire de fin d'études intitulé "La répression du négationnisme en Belgique : perspective systémique d’un blocage" où il analyse le récent blocage du monde politique belge à propos de la pénalisation du génocide arménien.

Ce travail, essentiellement basé sur des documents parlementaires et des entretiens personnalisés, revient sur le contexte qui a poussé la Belgique (devenue la plaque tournante du négationnisme en Europe) à légiférer le 23/03/1995 en la matière pour contrer la propagande négationniste, rappelle l'arrêt de la Cour constitutionnelle (ex-Cour d'arbitrage) confirmant la condamnation de l'entreprise négationniste de Sigfried Verbeke et décrit les trajectoires différentes de la loi antinégationniste du 23/03/1995 et du projet de loi visant à élargir le champ d'application de cette loi aux autres génocides reconnus par la Belgique.

Le mémoire s'attarde ensuite sur le rôle des "élus non représentatifs des autorités", ceux qui "ont court-circuité les autorités en pervertissant le mandat représentatif" car "certains élus, par leurs comportements et leurs propos, n’ont pas représenté l’ensemble des citoyens mais une partie de leur électorat, voire d’autres intérêts". "La première illustration est l’élu d’origine turque, Émir Kir, Secrétaire d’État PS à la Région de Bruxelles-Capitale. (...) Une deuxième illustration peut être trouvée dans les comportements de plusieurs élus locaux. Ainsi, ces élus ont des attitudes soutenant la négation du génocide arménien. Ces comportements se sont traduits par la participation à une conférence négationniste ou par la publication d’un livre remettant en cause le génocide arménien. (...) Le troisième exemple est celui de la ministre de la Justice, qui s’était présentée aux élections communales du 8 octobre 2006 dans la commune de Schaerbeek. En effet, elle souhaitait, en plus d’être ministre, obtenir un mandat au niveau communal. La proximité d’échéance électorale explique, pour partie, l’envoi du dossier en Commission interministérielle de droit humanitaire. En effet, si la ministre a décidé d’envoyer le dossier en commission, c’est pour que les consultations sur cette question se déroulent « en dehors d’une période électorale ». Elle voulait donc répondre aux exigences d’un futur électorat turc potentiel. L’indépendance caractérisant le mandat représentatif a donc été remise en cause. La perversion du mandat représentatif peut s’expliquer par la forte présence d’une communauté turque en Belgique. Il est important de souligner que ce phénomène ne concerne pas exclusivement le PS mais est présent au sein des trois grands partis francophones."

Dans les annexes, Geoffrey Grandjean publie aussi une série d'entretiens très intéressants comme celui de Michel Mahmourian, Président du Comité des Arméniens de Belgique qui estime (ironiquement?) que "Monsieur Kir a rendu un grand service. En effet, il estime qu’avec le jugement qui concerne Monsieur Kir, un tribunal a pu considérer que le qualificatif négationnisme peut s’appliquer à d’autres cas que le génocide commis par les nazis" ou celui de Philippe Mahoux (sénateur PS et auteur de la proposition de résolution relative au génocide des Arméniens de Turquie de 1915) qui "ne peut imaginer une extension de l’UE si la Turquie n’a notamment pas reconnu ce génocide" tout en affirmant à propos de son camarade de parti que "chaque candidat se présente devant un électorat qui a des sensibilités différentes. Chaque candidat est donc influencé par son électorat. Il estime qu’on peut avoir des positions différentes en fonction des personnes auxquelles un candidat s’adresse. Mais, il est préférable, selon lui, d’avoir la même position..."

Un mémoire sur l'absence de mémoire de quelques élus et la mémoire sélective et électoraliste de certains partis politiques à mettre en parallèle avec l'instransigeance de la justice suisse suite à la condamnation pénale (confirmée en appel) du dirigeant d'un petit parti politique turc pour son "slogan politique aux relents nationalistes".