dimanche, avril 22, 2007

Asoglu sur les paradoxes de la fuite d'Erdal

L'excellente journaliste d'investigation Ayfer Erkul vient de me griller un scoop dans l'affaire du DHKP-C en publiant dans les colonnes du quotidien De Morgen (21/04/07) la manière dont Musa Asoglu a réussi à semer les agents de la Sûreté belge pour faire disparaître Fehriye Erdal. Un récit passionnant où la journaliste flamande retrace dans le détail la course poursuite entre la vieille Golf II (1991) conduite par Musa Asoglu et sa passagère Fehriye Erdal fuyant les 4 véhicules remplis d'agents secrets belges en plein dans le quartier turc de Bruxelles.

Sorti pour s'acheter des chaussures et des vêtements pour sa protégée au City2 (centre-ville), Musa Asoglu remarque qu'il est suivi par des voitures et décide alors de s'enfuir vers la Chaussée d'Haecht. "Asoglu a d'abord cherché des groupes de jeunes turcs qui se tiennent généralement à chaque coin de rue dans cette entité bruxelloise. 'Les hommes turcs sont très sensibles au fait de voir une jeune femme être importunée. J'étais avec une femme dans la voiture et je comptais donc dire à un groupe de jeunes que les hommes derrière nous tentaient d'importuner cette jeune femme. Ils auraient été discuter avec les occupants de ces voitures et quelques secondes de divertissement m'auraient suffi pour que je puisse prendre la fuite. Mais juste ce jour, il n'y avait aucun groupe de jeunes dans les coins de rue. J'ai roulé pendant des minutes. Je les vois pourtant tous les jours mais juste ce jour précis ils avaient tous disparus'", sourit Asoglu en relatant avec fierté sa saga.

C'est finalement au croisement de la Chaussée de Haecht et de la Place de la Reine, grâce au passage du tram, que les 2 inculpés arriveront définitivement à échapper aux chasseurs qu'ils pensent être des agents secrets turcs. Mais les paradoxes ne s'arrêtent pas là puisqu'on apprend que "la fuite avait tellement bien réussi que quelques jours plus tard des agents de la Sûreté lui ont demandé s'il [Musa Asoglu] n'était pas intéressé pour devenir leur chauffeur." "Cela aurait été assez marrant : moi, un inculpé pour terrorisme, chauffeur à la Sûreté d'Etat", en rit encore l'intéressé.

J'ai également interviewé Musa Asoglu le jour de sa libération par la Cour de Cassation. J'ai noté quelques éléments que vous ne trouverez pas dans le papier du Morgen. Le fait, par exemple, que tant le chef de la Police fédérale que le contact de Musa Asoglu à la Sûreté savaient que Fehriye Erdal n'allait pas se présenter le jour de l'arrêt de la Cour d'appel de Gand. "C'est vrai, j'avais moi-même téléphoné pour dire qu'elle ne viendra pas pour des raisons de sécurité", m'a expliqué Musa Asoglu "car elle comptait se rendre quelques jours plus tard. Mais quand on a vu la tempête politique qui a suivi avec le gouvernement qui risquait de tomber, les ministres Dewael et Onkelinx qui étaient appelés à la démission, vous comprenez que la situation était devenue très dangereuse pour nous."

Mais où est Fehriye Erdal aujourd'hui ? "Je ne sais pas et c'est même impossible que je le sache car en la déposant à un endroit après la fuite, je lui avais précisé que je devais être le dernier à connaître son lieu de résidence", explique Asoglu. Est-elle encore à l'endroit où il l'avait déposé ? "Certainement plus, elle a dû y résider que 2 jours". Comme elle n'est plus à cet endroit, il peut donc me dire où il l'a déposé, non ? "[rires] Non, c'est impossible car cela risque de mettre en danger la personne qui l'a hebergée. Cela fait 25 ans que je milite dans un mouvement révolutionnaire et même si on me mettait un revolver sur la tempe, je ne vous dirai jamais cela."