Caroline Fourest (presque) entartée à l'ULB
C'est dans une ambiance ultrasécuritaire (8 gardes en plus de la police locale et fédérale) et très tendue que l'Université Libre de Bruxelles proposait ce mardi soir (13/03/07) une tribune libre à la journaliste Caroline Fourest (Charlie Hebdo et Pro Choix) après avoir interdit l'organisation d'un débat contradictoire avec Tariq Ramadan (Université d'Oxford et d'Erasme) dans le cadre de la Semaine d'Actions contre le Racisme. La principale source permettant au recteur Philippe Vincke et à sa conseillère spéciale Emmanuelle Danblon de déclarer l'orateur musulman persona non grata n'est autre que... Caroline Fourest, d'où l'agitation et l'incompréhension qui règnent sur le campus quand elle se voit offrir une tribune non contradictoire.
La tension est forte et l'auditoire emblématique (Paul-Emile Janson), à moitié rempli, offre dès le départ une division nettement marquée par les organisateurs : la plupart des meilleures places réservés aux obligés du marais inféodés au clan rectoral et les places du fond abandonnées aux sauvageons montagnards infestés par la déviance du relativisme culturel dégagé sans doute par les préceptes islamiques. Comme la décision polémique de l'autorité rectorale ne fait pas l'unanimité au sein même de l'Alma Mater libre-exaministe, dès le début de la soirée des incidents éclatent. A la lecture d'un texte critique ainsi que des Litanies de Satan (Baudelaire) par quelques excités, quelques sympathisants de l'autre camp haussent le ton et rétorquent très sérieusement par "mettez-le dehors !" ou "fous le camp imbécile !"
Ce rythme est soutenu tout le long du monologue de Caroline Fourest par des lectures croisées (à gauche et à droite de l'auditoire) du refrain de Baudelaire : "Ô Satan, prends pitié de ma longue misère!" allégé de temps en temps par un duo féminin en stéréo qui répond par la parodie de l'argumentation contradictoire : "et si c'est vrai, c'est quand même faux !" La tactique de l'agitateur est toujours la même : intervenir bruyamment mais aussi très brièvement pour éviter le détecteur de censure rectorale. De plus, si on compte que le monologue de l'oratrice sera constamment entrecoupé par un minable "dialogue intellectuel" des deux camps ("fascistes!" contre "intégristes!" et vice versa), il faut bien admettre que Caroline Fourest avait bien du courage pour continuer son discours sur "le choc des préjugés".
Sur le fond, pas vraiment de surprise, Caroline Fourest martèle toujours les mêmes accusations de double discours, d'intégrisme et d'obscurantisme contre ses ennemis (Tariq Ramadan en tête) en alignant une série de principes généraux sans jamais démontrer une preuve matérielle irréfutable. Elle évite aussi de mentionner les démentis des personnes qu'elle condamne. L'interdiction d'une pièce de Voltaire par "délicatesse" ? Démentie par Tariq Ramadan lors de son dernier passage à Bruxelles qui m'expliquait qu'il avait au contraire enseigné Voltaire. Son double discours sur les cassettes audio ? Démenti par l'intéressé qui précisait qu'Antoine Sfeir et Caroline Fourest refusent de montrer ces cassettes prouvant son double discours.
Caroline Fourest explique ensuite son travail sur les 3 intégrismes (musulman, chrétien et juif), le procès contre Charlie Hebdo intentées par 3 organisations musulmanes, dont 2 (l'UOIF et la Ligue mondiale islamique) qu'elle qualifie d'intégristes - sans préciser évidemment que Tariq Ramadan s'est déclaré opposé à ce dépôt de plainte - et évoque son admiration pour l'ex-députée néerlandaise antimusulmane Ayaan Hirsi ex-Ali engagée par le think-tank néoconservateur American Enterprise Institute. Pour Caroline Fourest, qui accepte volontiers qu'on la qualifie d'"intégriste laïque", il faut faire son choix dans la guerre que se livrent les modernistes et les fondamentalistes au sein de l'islam.
Interpellée par Souhail Chichah (chercheur à l'ULB) sur l'amalgame entre islam et islamisme contenu dans le manifeste des douze, la journaliste réfutera l'existence d'un tel amalgame. Pas convaincu, Chichah revient à la charge en alignant quelques déclarations des signataires célèbres de ce même manifeste : Taslima Nasreen : "Pour être libres, les musulmanes n'ont d'autre choix que de s'affranchir de la religion"; Ayaan Hirsi Ali : "Oui. Le problème, c'est le Prophète et le Coran." Réponse limpide de Caroline Fourest : "Oui, je soutiens ces femmes."
Caroline Fourest enchaîne ensuite sur la critique des médias qu'elle accuse de complaisance à l'égard de Tariq Ramadan : "A force de l'inviter partout, les médias lui offrent une tribune et aucune alternative pour un islam des lumières. Ils doivent faire de l'audience et ils cherchent finalement des confrontations caricaturales au lieu de favoriser le débat. Ils ont un jour organisé un débat entre Philippes De Villiers et Tariq Ramadan. Dans ce cas de figure, on ne nous laisse plus de choix et pour l'anecdote même moi, j'étais pour Tariq Ramadan."
Mais, alors que la tension semble au plus bas, une kamikaze non voilée se lance dans un attentat pâtissier qu'elle manquera de peu. Interrogée sur sa motivation suite à l'acte manquée, Zelig (nom de code) m'avouera avoir demandé conseil sur la crème pâtissière au Mollah Gloupgloup (alias Noël Godin) pour ses préparatifs en ajoutant dans un texte de revendication que "devant une telle humiliation pour la pensée, ainsi qu’en proie à la colère pour ce que toutes ces légèretés ont comme pouvoir nocif, afin pour conclure de ne pas cautionner une carrière qui s’est entièrement construite sur la diffamation et afin de nous protéger de la médiocrité, nous avons préférer la légèreté inoffensive de la crème fouettée à celle rance des propos de Caroline Fourest".
Mais le personnage qui me paraîtra le plus condescent, le plus partial et le plus arrogant sera sans aucun doute le professeur philosophe Guy Haarscher : "je ne connaissais pas le Cercle des étudiants arabo-européens. Je pensais que c'était un chouette truc ça : des Arabes qui veulent s'intégrer à l'Europe!", explique-t-il sur un ton ironique en qualifiant ce cercle de "communautaire" pour ne pas dire musulman. Le professeur Haarscher, "laïc en Belgique et partisan d'un Etat ethnico-religieux en Israël", dénoncera "le double discours ", la "chappe religieuse", la "présence d'une majorité de filles voilées", "les insultes à l'égard des mouvements modérés" et les "propos homophobes" commis lors des conférences de Tariq Ramadan... "d'après les informations que j'ai pu obtenir". De qui ? De Caroline Fourest, probablement... la boucle est bouclée et le débat n'aura pas lieu.
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