Belgique - Le mouton égorgé dans un quotidien américain
Le quotidien américain The Wall Street Journal publie (04/01/07) un reportage sur la dernière fête du sacrifice musulman (Aïd al-Adha) en Belgique. La journaliste Mary Jacoby a suivi de près les préparatifs de la communauté musulmane belge ainsi que les protestations du lobby animalier GAIA. Et en partant du cas particulier du musulman bruxellois Mohamed Mimoun, elle évoque toutes les polémiques qui entourent la question du sacrifice rituel en milieu urbain (flou juridique sur l'interdiction, liberté du culte, protection des animaux, enjeux économiques et électoraux). L'une des meilleures anecdotes relatées par la journaliste américaine est probablement celle où Mohamed Mimoun est verbalisé par la police anderlechtoise pour avoir amené son mouton jusqu'au centre d'abattage communal dans le coffre de sa Toyota Avensis alors qu'il aurait dû visiblement réserver le siège à l'avant (la place du mort) pour l'animal et surtout lui mettre la ceinture de sécurité...
De son côté, Paul Lin (Dow Jones Online) explique télévisuellement cette controverse entre les deux principes antagonistes : la liberté d'exercer sa religion face à la cruauté exercée contre les animaux (lire aussi un célèbre arrêt de la CEDH sur l'abattage rituel juif).
Etant requis par le WSJ pour l'enquête sur le terrain, j'étais d'abord surpris de constater le flou juridique relaté par Coskun Beyazgül (Président de l'EMB) lors de notre entretien sur la question : "Savez-vous que les musulmans pratiquent l’abattage durant toute l’année sans que cela ne pose vraiment un quelconque problème ? La seule différence est que ce dernier est un abattage privé et qu’il faut juste disposer d’une autorisation d’abattage à domicile. La loi du 5 septembre 1952 relative à l’expertise et au commerce des viandes précise explicitement que : « les viandes de boucherie provenant d’animaux abattus dans le royaume doivent être expertisées après l’abattage. Il n’est fait exception à cette obligation que pour les viandes provenant de porcs, moutons, chèvres, agneaux, abattus par un particulier, à son domicile, pour les besoins exclusifs de son ménage ». L’abattage privé est donc clairement autorisé mais c’est seulement l’abattage rituel ou à caractère religieux qui est interdit. Théoriquement, on pourrait donc demander une autorisation d’abattage à domicile pour un mouton après le 1er janvier en invoquant ses besoins de ménage. Jusqu’en 2001 (ndlr : 1998), les musulmans pratiquaient le sacrifice à domicile sans que cela ne pose vraiment problème. On ne peut pas vraiment parler de racisme antimusulman mais une chose est sûre, la loi interdisant l’abattage à domicile n’est pas bonne. On a quand même l’impression que la loi vise particulièrement les musulmans. Puis, le législateur a décidé d’interdire cette pratique en adoptant une loi sans proposer une alternative. Les musulmans ont cependant continué à sacrifier à domicile jusqu’en 2004. A ce moment, les autorités régionales ont tenté d'organisé le sacrifice. Nous avons soutenu ce processus car, bien qu'imparfait, cela permettait aux musulmans de sortir de l'illégalité. L'organisation régionale était finalement un grand fiasco principalement à cause du personnel incompétent sur place. Seul l'acte de sacrifice requiert un sacrificateur musulman. Donc, si nous avions pu engager des Ecossais ou des Irlandais qui sont de vrais professionnels en matière de préparation de viandes, tout aurait été mieux. Mais, ces professionnels coûtent chers et les autorités n'ont pas voulu payer. Par ailleurs, sur plainte de GAIA, un procureur a décidé poursuivre environ 1.500 musulmans pour des dépôts de déchets dans les conteneurs publics. Un deal a été conclu pour que ce soit la dernière fois qu’ils se comportent de manière illégale en pratiquant l'abattage à domicile."
Même si les autorités publiques se réjouissent de la dernière fête du mouton sous prétexte qu'"aucun incident majeur n'a été enregistré", le bilan organisationnel de l'événement annuel accuse un nouvel échec frappant avec seulement 3.997 moutons abattus (Anderlecht, Bruxelles, Molenbeek, Schaerbeek et sites provisoires en périphérie) et près de 700 dépôts clandestins uniquement pour la région bruxelloise. Sans compter les dépôts clandestins dans les conteneurs à Mons ou à Maasmechelen...
De leur côté, les militants du Groupe d'Action dans l'Intérêt des Animaux (GAIA) manifestaient le samedi 30/12/06 devant l'abattoir anversois de la Slachthuislaan. Les responsables refuseront l'accès à la presse malgré l'accord de quelques fidèles musulmans pour assister au sacrifice. Durant l'entretien, le président de GAIA Michel Vandenbosch a tenu un discours relativement modéré en expliquant que "le bien être des animaux n'est certainement pas respecté car les moutons ne sont pas étourdis avant l'acte de sacrifice. Ce que nous voulons, si un abattage rituel doit absolument prendre place dans la communauté musulmane, c'est que les animaux soient obligatoirement étourdis car aucun animal devrait souffrir. Nous voulons également soutenir auprès de la communauté musulmane des alternatives à l'abattage animal comme la possibilité d'accomplir ses obligations religieuses en faisant des dons au profit des pays victimes de catastrophes naturelles".
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