jeudi, novembre 23, 2006

Emir Kir a signé une pétition visant à démanteler le monument au génocide arménien

C'est le 18 novembre 2004 que le Secrétaire d'Etat bruxellois, Emir Kir (PS), nous (Mehmet Koksal et Pierre-Yves Lambert) a attaqué en justice notamment parce que nous avions relaté sa participation le 29 mai 2004 à une marche négationniste à l'égard du génocide arménien. Suite à la polémique, Emir Kir a toujours nié les faits et s'est contenté de préciser qu'il "est venu en toute bonne foi participer à une manifestation de solidarité à l'entrée de la Turquie dans l'Union européenne, sans s'être rendu compte des risques de dérive que cette manifestation comportait."

Le problème ? Les organisateurs (BADD - Association de la Pensée d'Atatürk en Belgique) de ladite manifestation sont eux-mêmes opposés à l'entrée de la Turquie au sein de l'UE. Pire, en enquêtant sur ce dossier, je suis tombé sur le rapport d'activités de l'association BADD pour les années 2003-2004 qui publie en page 56 une pétition rejetant "l'allégation de génocide" et appelant carrément au démantèlement du monument au génocide arménien à Ixelles. Je découvre ensuite que le troisième signataire de cette pétition n'est autre que... Emir Kir lui-même, adresse manuscrite et signature à l'appui ! Donc, non seulement il a manifesté "en toute bonne foi" pour la négation du génocide arménien mais il a en plus signé une pétition pour demander le démantèlement du monument ixellois, le tout sur fond d'opportunisme électoral à la veille des élections régionales du 13 juin 2004.

Mettons un instant de côté le débat sur le négationnisme et la position d'Emir Kir sur le génocide arménien, c'est ce procès entièrement basé sur un gros mensonge qui me choque et m'affecte le plus. Un mensonge flagrant qui n'a visiblement pas dissuadé Emir Kir de me poursuivre en justice pendant plus de 2 ans. Deux longues années de procédure judiciaire et des centaines d'heures perdues en recherche, traduction et rédaction des conclusions de défense. Deux ans où certains "journalistes" turcs (Hürriyet) totalement soumis à Emir Kir m'ont qualifié de "menteur", de "traître à la patrie", de "Brütüs", de "fils de drogué", de "raciste" sans jamais lire les documents du débat ou écouter ma version des faits. Pas un seul coup de fil reçu, j'étais toujours présenté comme coupable d'avoir "traîné notre ministre d'Etat devant la justice belge" alors que c'est bien Emir Kir qui m'assigne en justice.

Arrivé en plaidoirie devant le Tribunal de Première Instance, son avocat Marc Uyttendaele nous traite de tous les noms en nous comparant à la presse d'extrême droite ayant provoqué le suicide des ministres français Pierre Bérégovoy ou Roger Salengro. Ensuite, malgré le jugement du 28 octobre 2005 nous donnant totalement raison, c'est moi que le Président du PS bruxellois et ex-ministre de la Justice Philippe Moureaux qualifie de "menteur" et de "calomniateur" en m'empêchant de participer à un débat organisé par le Cercle des étudiants arabo-européens de l'ULB. C'est vraiment le monde à l'envers.

Un jugement confirme qu'un Secrétaire d'Etat bruxellois peut être qualifié de menteur, délinquant et négationniste, cela ne semble poser aucun problème au gouvernement régional. Le PS, le gouvernement bruxellois et ses partenaires ont fait comme si rien ne s'était produit. Business as usual... Critiquer Emir Kir, c'est comme critiquer le gouvernement israélien. Vous devez soit être raciste soit antisémite (ou les deux) pour émettre des propos critiques et peu importe vos documents irréfutables, vos critiques, vos arguments ou vos origines. Or, c'est précisément le refus de sous-cataloguer les élus d'origine étrangère dans le traitement médiatique qui caractérise notre travail. Un élu d'origine étrangère peut être aussi (in-)compétent que n'importe quel autre élu et il a droit aussi à un traitement journalistique aussi sérieux qui ne sombre pas dans l'angélisme paternaliste des petits "chefs blancs" politiques.

Le 23 janvier 2006, Emir Kir a déposé une requête d'appel devant la Cour en alignant les mêmes arguments mensongers qu'en première instance et il réclame les mêmes dommages et intérêts financiers conséquents. Sa persistance à nier l'évidence même en instance d'appel m'a poussé à approfondir l'enquête dans ce dossier. C'est alors que j'ai mis la main sur ce simple rapport d'activités édité par le BADD où je ne m'attendais pas à trouver une preuve aussi évidente de son double discours.

Avec cette dernière pièce irréfutable, j'espère qu'on fermera rapidement la page de ce procès inutile afin de ne pas encombrer davantage l'arriéré judiciaire.

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[traduction de la pétition]

"CAMPAGNE DE SIGNATURES
Nous rejetons l'allégation injuste et irréaliste de génocide arménien. Nous nous adressons aux communes de Bruxelles et d'Ixelles : nous demandons la suppression immédiate de l'indication sur le monument au prétendu génocide arménien qui offense l'honneur du peuple turc et des Turcs vivant en Belgique."