La "milletisation" chez les Turcs et les Liégeois
par Erdem Resne (article issu des commentaires sur Humeur allochtone)
Ce phénomène est très fort chez les Turcs, mais pas seulement. Quand tout Liège vote pour la famille Daerden sans regarder le prénom, cela participe aussi d'un sentiment communautariste/régionaliste à combattre. Ce que je dirai donc ici n'est pas propre aux Turcs. C'est seulement plus prononcé ou plus visible chez eux, tout simplement car la capacité de mobilisation est plus grande (grâce notamment au contrôle du pays d'origine).
Si tu comprends le turc, tu peux zyeuter binfikir.be où j'ai longuement abordé ce type de sujets, précisément pour contribuer à l'apparition d'un sentiment de citoyenneté chez des gens qui, depuis 40 ans, vivent et construisent leur avenir ici. Faire comprendre aux gens qu'en plus de disposer de droits et de facilités, ils avaient des devoirs: participer au processus décisionnel, être actifs socialement etc... Ce qui n'empêche pas d'avoir des liens ou des visions politiques concernant la Turquie bien évidemment, mais la préoccupation première d'un élu Belge ne doit pas être l'adhésion de la Turquie à l'UE (sauf s'il devient ministre fédéral et participe aux décisions lors de sommets européens.)
S'intéresser à la vie politique locale ça suppose également un certain niveau d'investissement socio-culturel, ce qui malheureusement, n'est pas chose courante: je ne justifierai donc jamais le communautarisme, mais c'est un phénomène qui doit être compris. Quand vous êtes issu d'une famille qui s'est installée dans les régions minières, qui n'a jamais connu de vie urbaine dans son pays, qui se retrouve dans un environnement ou la moindre vue de jambes dénudées engendre des réflexions de type "je dois protéger mes enfants de ce monde pervers", qui compte les jours pour calculer la fin du mois, vous ne pouvez pas exiger d'eux de se rendre au conseil communal pour voir ce qui y est décidé, puis d'aller voir la dernière pièce d'Eric-Emmanuel Schmitt.
C'est caricatural, mais même moi qui suis Turc et pourtant "habitué" à fréquenter des personnes dans le besoin, je suis parfois choqué de voir dans quelle misère et quelle ignorance vivent les gens. Ce que la population d'origine turque attend de SES élus, ce n'est malheureusement pas l'amélioration de la politique belge; et pour tous vous détromper, ils n'attendent même pas d'eux qu'ils défendent les intérêts de la politique officielle turque (ces discours populo-fascisants sont relayés par quasi toutes les associations simplement dans le but de perpétuer au sein de la diaspora le sentiment d'appartenance nationale et de conforter les gens dans leur ignorance, mais le gars de la rue se fout royalement du génocide, il pense comme tout le monde par conditionnement et l'affirme pour ne pas être banni, mais il ne pense pas toute la journée aux conséquences de l'éventuel vote de la loi, il s'en FOUT).
Ce que la population d'origine turque attend vraiment de SES élus, c'est malheureusement des PISTONS pour élaborer leurs magouilles plus facilement. Nombre de nos élus aujourd'hui ont des connaissances dans les principaux organes d'état (dont l'Office des étrangers), d'autres sont actifs dans l'immobilier ou le commerce, et ces élus s'assurent ainsi l'allégeance et les voix des personnes dont elles contribuent à l'installation ou à la naturalisation ou à l'ouverture d'un commerce en Belgique.
Et les partis politiques contribuent à cela puisque les candidats vraiment intelligents sont écartés, au détriment de ces magouilleurs qui rapportent des voix en utilisant les discours populistes que tout le monde adopte pour se donner bonne conscience. La milletisation politique, c'est également le résultat du système belge partitocratique où la réussite passe (pour les Belges pure-souche, comme pour les allochtones) par la longueur des tentacules. Et l'organisation communautaire permet ce genre de réussite, car les sentiments d'appartenance ethniques et religieux sont très forts.
La milletisation, c'est le résultat des constats de parents qui voient que leur aîné, qui a fait des études, se retrouve au chômage, tandis que le cadet-presque-délinquant à qui on a trouvé 12.500€ pour ouvrir un snack roule maintenant en Mercedes et confirme les préjugés de sa caste qui se dit que de toute façon, "on s'en fout de la politique ou de la culture, ce qui compte c'est d'être un homme - un vrai, - riche, fort, respectable dans la communauté - et aller dans le sens de tout le monde sans trop déranger les sentiments d'honneur et de fierté".
Et le comble, c'est que toute critique envers cette mentalité la renforce davantage, car les mécanismes de défense sont puissants. Il faut éduquer ces gens mais arrêter de leur ressasser leurs erreurs sans leur donner les moyens de comprendre ces erreurs: culture et indépendance économique.
Erdem Resne
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