dimanche, novembre 20, 2005

Eric Tomas rétablit la censure au Parlement bruxellois


L’image est trompeuse : un accent à la Giscard d’Estaing, une tête de plombier polonais et des lunettes gigantesques qui rappellent les pare-brises des transporteurs MAN, le mec joue le rôle de l’élu proche du peuple, ceux qui vivent la Belgique d’en bas avec ses multiples discriminations. Mais, la réalité est tout autre…

Grossier, moche, autoritaire, prétentieux, quel paysan vraiment ce Eric Tomas (PS) ! Il m’a fait pensé à la délicatesse de Khroutchev, chef du gouvernement soviétique, en 1960 tambourinant avec sa chaussure devant l’Assemblée général de l’ONU.

Vendredi en séance plénière, le président socialiste du Parlement bruxellois a réussi tout simplement à censurer, avec des gestes grossiers, un entretien que je venais d’accorder à la télévision publique francophone (RTBF) devant l’hémicycle régional.

Tout commence quand la journaliste Anne Lombaerde m’interroge notamment sur l’attitude de Philippe Moureaux (PS) qui parle dans une dépêche diffusée par l’agence Belga d’« hystérie anti-turc » à propos de l’affaire Kir en faisant semblant d’ignorer que je suis moi-même d’origine turque. Je souligne ici que Moureaux parle de « tentative de génocide » dans sa déclaration, ce qui semble être une manière de participer au cryptage socialiste sur la question et une manière minimiser grossièrement les faits… No comment, d’autres se chargeront sans doute de répondre au camarade Moureaux.

Agacé par notre conversation médiatique, Eric Tomas nous envoie directement les huissiers et la police militaire pour nous éjecter des lieux. L’entretien est certes interrompu mais on venait justement aussi de le terminer. Motif invoqué par les gardes : on peut uniquement réaliser des entretiens avec des députés devant l’hémicycle. La journaliste panique et me propose de refaire l’interview dans la salle de presse à l’abri des regards. On monte d’un étage, le caméraman prend des plans de coupe sur moi et le président du Parlement nous refait le tour du mec mega-choqué par la présence d’une caméra en tribune (ouvert au public) alors que des caméras rodent régulièrement en tribune. Je vois ses gesticulations immondes dans ma direction et il engueule clairement cette fois les huissiers.

D’autres journalistes habitués des lieux n’y comprennent rien. « N’est-ce pas normal d’interroger quelqu’un quand l’affaire concerne justement un membre du gouvernement ? A-t-on invoqué le protocole quand les Russo accordaient un entretien aux journalistes alors que le parlement fédéral débattait de l’affaire Dutroux ? Ne serait-il pas même logique de donner plus souvent la parole au public. Il arrive que des syndicalistes prennent place dans les tribunes et réagissent à chaud sur des thèmes qui concernent les ouvriers ou les employés. Il est logique de faire réagir des personnes aux propos tenus par des députés ou des ministres dans l’hémicycle. En réalité, il ne faut pas chercher bien loin. Cela ennuie Tomas car il s’agit d’un socialiste. Si c’était Gosuin ou Simonet qui étaient sur la sellette, il vous laisserait filmer volontiers », explique l’un d’entre eux.

Anne Lombaerde tente encore une dernière tentative pour refaire l’entretien dans la salle de presse afin de ne pas diffuser les images filmées devant l’hémicycle mais impossible, le protocole bloque cette fois à tous les étages. « Tanpis pour eux, on fera avec ce qu’on a déjà en boîte », me déclare la journaliste mais je sens le stress monter en elle.

Résultat au JT de 19h30, elle m’a sucré pour le plus grand plaisir sans doute d’Eric Tomas. Cependant, elle a eu le courage, tout de même, de refaire des entretiens avec Didier Gosuin (FDF) et Charles Picqué (PS). On entend ainsi le ministre-président déclarer : « Je pense que dans le jugement, la justice ne reprend pas à son compte tout ce qui est dit sur Emir Kir ». Pas de bol, monsieur le ministre-président, la justice reprend bien tout nos arguments et nous donne raison sur chaque point. D’après le jugement, il n’est pas fautif de qualifier Emir Kir de négationniste, de menteur et de délinquant en vertu de ses activités politiques.

Concernant le reportage, bien que je sois mis en touche, le résultat est finalement assez équilibré et le boulot reste objectivement bon. Pas de quoi donc crier au scandale…

Ceci dit, la censure d’Eric Tomas à l’égard de la presse indépendante est malheureusement lamentable. Le président du Parlement devrait savoir que c’est bien grâce aux Bruxellois qu’il siège sur son perchoir et que le Parlement n’est pas sa propriété privée. Mais est-il capable de s'en rendre compte depuis sa bulle politique ?