mardi, octobre 09, 2007

La Belgique régularise mais faut pas le dire

Ce mardi (09/10/2007), j'ai été suivre la conférence de presse de Joëlle Milquet (CDH) sur le premier accord du gouvernement Orange-Bleue en formation d'Yves Leterme (CD&V) relatif à l'immigration. Le regard fixé au plafond et un jeu de mains qui rappelle celui d'un chef d'orchestre, la présidente du parti centriste essayait de se souvenir des détails de l'accord qu'elle avait conclu au bout de la nuit. Ecoutez la satisfaction de Joëlle Milquet...








Le point principal concerne la régularisation économique des sans-papiers. Contrairement à la régularisation "one-shot" de 2000, le futur gouvernement préfère une régularisation "économique" sur base d'une insertion socio-économique obligatoire du candidat demandeur de papier. Allergiques au terme "régularisation", les libéraux flamands ont consenti à parler d'une "immigration économique" sous couvert de bonne gouvernance. En clair, le clandestin qui réside depuis plus de 18 mois en Belgique devra soit fournir la preuve d'une offre d'emploi sérieuse (contrat de travail), soit remettre le projet d'une "perspective sérieuse d'activité en tant que travailleur indépendant". La formule s'inspire directement des vagues de régularisations des gouvernements espagnol (Zapatero) et italien (Berlusconi). Cette première mesure concerne les "illegalen van de illegalen" (les clandestins des clandestins qui n'ont jamais introduit une demande de séjour ou une demande d'asile) dont le nombre exact n'est évidemment connu de personnes (bien que certains observateurs citent le chiffre de 100.000 personnes).

Pour les demandeurs d'asile de longue durée, les négociateurs ont prévu une autre possibilité sur base "d'attaches durables" dans le pays de résidence (scolarisation des enfants, emploi...). Joëlle Milquet cite le chiffre de 60 % des dossiers pendants au Conseil d'Etat dans les catégories "demandeurs d'asile" et "requêtes sur base de l'article 9" sans préciser de manière concrète le nombre de personnes concernées. Si je prends les chiffres d'avril 2007 concernant l'arriéré au Conseil d'Etat, je note 23.620 dossiers (demandeurs d'asile) et 20.700 dossiers (article 9), ce qui fait grosso modo 60% des 43.000 dossiers desquels il faut encore enlever les doublons car beaucoup d'avocats conseillent d'introduire un recours au Conseil d'Etat et une requête sur base de l'article 9 pour demander une régularisation pour "raisons humanitaires". Ici, à mon avis, le nombre de personnes "régularisables" devrait tourner autour des 20.000 sans papiers.

Attention, car il s'agit encore pour l'instant d'un effet d'annonce et le clandestin devra encore patienter la formation du nouveau gouvernement, la préparation d'un projet de loi, l'avis du Conseil d'Etat, le vote au Parlement et la publication au Moniteur pour que l'accord de cette nuit soit effectivement d'application. D'après les coulisses du pouvoir, l'objectif politique fixé par les partenaires de l'Orange-bleue est que la loi puisse être d'application en octobre 2008, ce qui laisse largement le temps aux clandestins de trouver un emploi déclaré pour préparer son dossier de régularisation. A défaut de quoi, les sans papiers devront espérer que la formation du nouveau gouvernement tarde encore un peu plus...

La loi sur la nationalité sera également revue et il semble que l'ensemble des partenaires soit rapidement tombé d'accord sur l'allongement de la durée de résidence (ininterrompue) obligatoire qui passera de 3 à 5 ans ainsi que la maîtrise de base d'une des trois langues nationales (français, néerlandais ou allemand) pour devenir citoyen belge. Des "organismes agréés pourraient contrôler la connaissance de base d'une des trois langues du pays", précise Joëlle Milquet en ajoutant que les projets seront détaillés plus tard, une fois le nouveau gouvernement en place pour... après les vacances (lesquelles ?).