dimanche, septembre 30, 2007

Saint-Gilles et la mosquée des donateurs

Actualité oblige, j'ai été cette fois suivre la prière au "Centre islamique, culturel, pédagogique et social", plus connu comme étant la mosquée El Mouhssinine de Saint-Gilles située sur la rue de Suède. Un lieu de culte anciennement présidé par le franco-marocain Kissi Benjelloul, vice-président de l'Exécutif des musulmans de Belgique (EMB), aujourd'hui incarcéré suite à des soupçons de faux, usage de faux et abus de confiance qu'il aurait commis dans le cadre de ses fonctions. Aujourd'hui, l'ex-président de la mosquée El Mouhssinine est non seulement poursuivi par le parquet bruxellois pour de fausses factures à l'EMB mais également par ses ex-fidèles qui l'accusent de détournements de fonds dans le cadre d'une collecte au profit de la Palestine. Autant dire que l'ambiance n'est pas très positive en ce moment dans la rue de Suède.

Impossible de rater la mosquée à l'heure de pointe des prières puisque l'endroit accueille quelque 1.000 à 2.000 personnes. L'entrée principale est une immense porte de garage immobile, les hommes empruntent la porte de droite tandis que les femmes montent à l'étage en ouvrant la porte de gauche. Dès l'entrée, on passe devant un "bureau de réception" où les dirigeants "screenent" la clientèle tout en discutant de l'actualité. Une série d'étagères meuble le côté gauche pour réceptionner les chaussures mais évitez de marcher sur les tapis pour y arriver car des fidèles prieront plus tard sur le moindre bout de tapis disponible. Un escalier sur la droite donne accès à la salle des ablutions dans le sous-sol. En descendant, vous pourrez lire plusieurs fois en français et en arabe des mosaïques poétiques indiquant "Toilettes". Une fois en bas, l'hygiène laisse franchement à désirer : des sacs de poubelles et des puanteurs accompagneront votre séance de purification corporelle. Mais dans cette grande salle aux toilettes et robinets à eau tiède, on peut déjà partager une première prière : "Prière de ne pas utiliser beaucoup d'eau", aaammmiiiinnn!

Meublée par six petites bibliothèques à Coran, la grande salle des prières est divisée en deux parties équipées d'un système d'air conditionné et de trois lustres. Dieu est lumière... surtout pour la partie proche de l'imam-en-chef Zin Abidin, un chef spirituel barbu assez charismatique d'origine egyptienne qui ne s'exprime qu'en arabe classique. Sa tenue et son style rappellent les talks-shows de la chaîne qatariote Al Jazeera. Il répète plusieurs fois les mêmes refrains avec une énergie et une passion transpirante.

"El Mouhssinine" veut dire "les bienfaiteurs" ou "les donateurs" et justement durant cette séance, 9 serveurs déambulent à travers la masse des fidèles pour récolter vos dons dans un sac en plastique. Pas de contrainte en religion, personne ne vous oblige à jouer le jeu même s'il vaut toujours mieux laisser quelques pièces. Ceux qui sortent un billet ont droit à une mention spéciale dans le discours de l'imam-en-chef. Ce soir, par exemple, Zin Abidin appellera les fidèles à prier pour un malade souffrant à l'hôpital d'Erasme, un autre homme décédé avant la dernière prière ainsi qu'une femme ayant des problèmes familiaux mais pas de prière spéciale pour un quelconque inculpé à la prison de Forest.

La mosquée est presqu'exclusivement fréquentée par des musulmans d'origine marocaine. Après les émeutes de 1992 au Parvis St Antoine puis à la place Bethléem, le lieu de culte a connu a large développement en ajoutant des activités "culturelles, pédagogiques et sociales" dans sa gamme de services dans le but de répondre (d'après les dirigeants communaux) aux besoins des jeunes maghrébins en révolte.

Aujourd'hui, la foule s'empacte difficilement pour suivre la prière musicalement récitée par un second dirigeant. Comme au foot, épaule contre épaule, il n'y a pas faute mais il faut savoir s'imposer un minimum dans ce duel très spirituel. Salle comble, il convient donc de suivre scrupuleusement le rythme de la prière au risque de cogner, comme moi, votre voisin.

Dirigé un moment par Kissi Benjelloul, qui cumulait cette fonction avec la présidence de l'Union des Mosquées de Bruxelles et Brabant, la mosquée El Mouhssinine a longtemps été la chasse gardée du PS saint-gillois. Pendant les élections communales de 2000, les autorités ont même installé un ordinateur pour "expliquer" le vote aux musulmans de la mosquée. Proche du pouvoir marocain, d'Abbès Guenned (ex-monsieur Onkelinx), de Charles Picqué et de Laurette Onkelinx, Kissi Benjelloul avait rapidement réussi à prendre le contrôle total de l'EMB (malgré son échec électoral) en provoquant des élections anticipées supervisées par une commission "indépendate" composée du chercheur Hassan Bousetta (qui rejoindra le PS ultérieurement), d'Ayse Öz, de deux magistrats et d'un expert du ministère de l'Intérieur. Poursuivi aujourd'hui par plusieurs fidèles dont Mimoun Ayada, l'ex-président de la mosquée El Mouhssinine, ainsi que pour des fausses factures adressées à l'EMB, l'actuel vice-président de l'organe chef de culte (suspendu de ses fonctions à l'unanimité) passe des moments difficiles privées de sa liberté en plein mois sacré du Ramadan.

Pas de commentaire sur ces sujets polémiques et trop politiques à la mosquée El Mohssinine, les fidèles préfèrent se concentrer pour la récitation des textes sacrés en implorant la bénédiction et le pardon d'Allah.