dimanche, juillet 22, 2007

Les élections turques et les Turcs de Belgique

Le titulaire du poste étant indisponible, je couvre actuellement les élections législatives turques du 22/07/07 pour Courrier international. L'hebdo français, à l'instar de la presse internationale, a les yeux braqués sur ce scrutin qui oppose "les deux Turquie" : la Turquie des conservateurs musulmans (AKP) au pouvoir depuis 2002 affronte celle de l'opposition laïque kémaliste (CHP) aux accents nationalistes et prête à s'allier avec le parti d'extrême droite (MHP) pour protéger le pays de la menace "islamiste, impérialiste et terroriste" et reprendre ainsi la direction du pays.

La radio privée Bel-RTL et la télévision publique RTBF m'ont interrogé sur les enjeux de ce scrutin : stabilité politique, élection présidentielle indirecte, risque d'islamisation renforcée, radicalisation du camp laïc, place de l'Europe dans la campagne, intervention de l'armée turque dans le Kurdistan irakien, polarisation accrue du futur parlement turc entre les Kurdes du DTP et les nationalistes du MHP... et le vote des Turcs de Belgique.

Pour les électeurs turcs (et Belges d'origine turque) originaires du district d'Emirdag, je crois que le choix se portera principalement pour les partis d'opposition laïque (CHP et DP) étant donné que ces partis présentent (avec le Saadet Partisi - parti islamiste d'Erbakan) des candidats "emirdaglois" dans la circonscription électorale d'Afyonkarahisar alors que l'AKP n'en présente aucun. La préférence régionale, puis villageoise, pèsera dans la balance d'autant plus que le 2e candidat sur la liste du CHP est l'avocat, ex-bourgmestre d'Emirdag, Ismet Güler qui risque effectivement de siéger à la Grande Assemblée nationale de Turquie. Une autre partie des électeurs belgo-emirdaglois votera sans doute pour l'AKP du Premier ministre sortant (Recep Tayyip Erdogan) principalement pour des raisons économiques (+7% de croissance annuelle) et de stabilité politique ou pour le parti nationaliste d'extrême droite (MHP) par frustration et colère.

Mais, il faut évidemment relativiser un max cet électorat étant donné le poids électoral négligeable des électeurs binationaux vivant en Belgique (par ailleurs, tous les Turcs de Belgique ne sont pas originaires d'Emirdag). Il faudra sans doute à nouveau analyser plus globalement la carte électorale turque dès le lendemain du scrutin pour voir si, comme lors des deux précédentes élections (législatives de 2002 et municipales de 2004), l'AKP décrochera à nouveau le vote populaire de l'Anatolie centrale face au même croissant laïque des villes côtières occidentales. Mis à part les résultats nationaux et la confrontation des deux Turquie (islam contre laïcité), ce scrutin est vraiment celui des candidats "indépendants" qui échappent au seuil obligatoire des 10% pour décrocher un siège. Ces indépendants se divisent en deux groupes : les indépendants-dépendants d'un parti politique (par exemple d'un parti prokurde comme le DTP, d'un parti gauche démocratique comme l'ÖDP ou les islamo-nationalistes du BBP) et les indépendants-indépendants (comme le professeur Baskin Oran à Istanbul). Si leur succès est confirmé dans les urnes, ce sont les indépendants qui formeront le groupe pivot de la future assemblée législative turque.

Pour suivre la campagne à travers les affiches, je vous conseille de faire un tour sur la Tractothèque.