mercredi, juin 13, 2007

Comment la région chasse les pauvres de Saint-Gilles...

Dans la Tribune de Bruxelles (n°224), j'ai publié une longue enquête sur la stratégie mise en oeuvre par les pouvoirs publics pour tuer le quartier du Midi. Pour comprendre comment l'ancien quartier de commerçants juifs, devenu aujourd'hui la principale adresse des classes populaires arabes, grecques, espagnoles, portugaises et plus récemment des nouveaux habitants originaires des pays de l'Est ainsi que de l'Afrique subsaharienne, est vidé de ses habitants, il faut plonger dans le calvaire vécu depuis plus de 15 ans par les riverains. A travers un plan secret concocté par les plus hautes sphères politiques, ce quartier des « pauvres maudits » peu rentables est vidé de ses habitants pour faire essentiellement place à des bureaux fiscalement plus rentables pour les finances communales.

Mensonge, trahison, spéculation et humiliation, la stratégie de l'usure et du pourrissement appliquée par les pouvoirs publics dans ce dossier s'apparente plus à une tentative permanente de vol avec effraction qu'à une gestion équitable au profit des adm
inistrés. C'est le récit d'une atteinte évidente au droit à la propriété et un abus de droit où des responsables politiques utilisent les outils régionaux pour atteindre des objectifs communaux. Après plus de 15 ans de menace d'expropriation en extrême urgence, 15 ans de vie pourrie dans un environnement bruyant et insalubre, 15 ans de lutte contre "un modèle d'administration mal conçue et malfaisante" (dixit le juge de Paix), les derniers habitants de la gare du Midi vivent dans le désespoir et la crainte.

J'ai eu l'occasion de filmer une visite guidée des lieux avec le petit propriétaire Mohammed Mouniati, doyen des lieux et ouvrier à la retraite, qui a travaillé toute sa vie dans les usines métallurgiques ou de pièces détachées pour pouvoir loger sa famille. Il m'a fait visiter son quartier où il connaît tout le monde... même les ouvriers sur les chantiers.






Alors qu'une société étrangère lui propose de racheter sa maison en 1990 pour six millions de francs belges, la commune le décourage de vendre en promettant d'acheter son bien à un meilleur prix. Récemment, Mohammed Mouniati vient de recevoir une offre des pouvoirs publics qui tourne autour des 100.000 euros ! "A ce prix, il m'est impossible d'acheter ni une maison, ni un appartement", m'explique le personnage.

L'affaire vient de rebondir devant les tribunaux. Un jugement du 31/05/2007 dans un autre cas d'expropriation condamne sévèrement la Région bruxelloise pour avoir "bafoué de manière arrogante" plusieurs droits de l'homme. Les médias commencent à creuser le dossier et le Parlement bruxellois ferait bien de demander des comptes au principal responsable (Charles Picqué) de ce désastre urbain ayant presque réussi à chasser les mauvaises herbes sociologiques pour promouvoir des bureaux suisses.

Le Comité du quartier Midi annonce ce jeudi (14/06/07 à 19h30 au
PianoFabriek, 61 rue Guillaume Tell, 1060 Bruxelles - entrée gratuite) la projection d'un film-documentaire sur le sujet ainsi qu'un débat explosif avec les responsables de la commune de Saint-Gilles.