Bruxelles : quand le foulard était un symbole d'intégration
L'interdiction du port du voile refait surface sur la scène politique bruxelloise avec d'un côté une école forestoise (Athénée royal Andrée Thomas) qui décide d'interdire et de l'autre côté une future école molenbeekoise (Avicenne) désireuse justement d'accueillir les filles voilées disqualifiée politiquement avant même d'entamer sa première rentrée.
Dans ce contexte médiatique, il n'est peut-être pas inutile de rappeler que le foulard n'a pas toujours été synonyme d'endoctrinement, de repli identitaire ou de soumission. Au contraire, il y a un peu plus de 10 ans, une jeune femme voilée incarnait même le symbole de l'intégration et de la dignité. En effet, l'hebdomaire populaire bruxellois Vlan (22/01/97) annonce que "la Bruxelloise de l'année" 1996 a été élue et le journal n'hésite pas à titrer sur cette lauréate voilée en vantant ses mérites et ses qualités intellectuelles. Cette figure emblématique de l'époque n'est autre que Nabela Benaïssa, la soeur de la victime (Loubna), primée pour son courage dans cette lourde affaire de pédophilie ayant durablement bouleversée la société belge.
Lors de la remise du prix, le ministre-président Charles Picqué (PS), que personne ne peut vraiment suspecter de sympathie envers l'islam, déclare à Nabela Benaïssa portant son traditionnel voile blanc : "Vous êtes aujourd'hui devenue un symbole, celui de l'intégration et de la coexistence des communautés". C'était possible il y a un peu plus de 10 ans en région bruxelloise ! Certes, depuis, la jeune femme (devenue avocate et ex-cabinettard PS) ne porte plus le foulard, elle a aussi le droit de changer d'avis et cela restera aussi son choix personnel, mais c'est bien avec son voile blanc qu'elle a reçu le prix de l'hebdomadaire bruxellois.
De l'autre côté de la frontière linguistique, j'avais également brièvement évoqué en décembre 2005 le choix de "Sainte Naïma" (Naïma Amzil) par un hebdomadaire flamand (conservateur en plus) qui octroyait le titre de "personnalité de l'année" à cette travailleuse musulmane flamande de l'entreprise Remmery victime de plusieurs lettres à caractère raciste et islamophobe émanant d'un groupuscule fasciste et séparatiste.
Dans une récentre chronique pour la Tribune de Bruxelles à propos du projet d'interdiction du voile par le gouvernement bruxellois, je suggérais déjà ironiquement "à madame “minder frans, meer Brigitte” Grouwels d’amender le règlement en question en précisant que l’administration bruxelloise est interdite tant aux femmes voilées qu’aux araignées et même aux Wisigoths, pour paraphraser le chef-d’œuvre cinématographique La Vita è Bella de Roberto Benigni. Et puis, si Brigitte veut vraiment promouvoir l’égalité des chances, la secrétaire d’Etat devrait également interdire le port de la barbe pour les fonctionnaires bruxellois. La barbe, ce symbole ostentatoire du fondamentalisme islamiste contraire à la neutralité de l’administration, non ?"
C'est d'autant plus vrai lorsqu'on croise certains conducteurs "très barbus" de la STIB beaucoup plus suspects de sympathies islamistes que les femmes voilées. D'ailleurs, j'avais également interpellé l'ex-président (Werner Daem, PS et ex-SP.A) de la Société des Transports Intercommunaux de Bruxelles sur cette mesure d'interdiction du voile assez sexiste. "Si la barbe posait problème, on pourrait également l’interdire. Mais je trouve qu’il faut d’abord un respect mutuel entre les différentes sensibilités. C’est le plus important…", m'avait déclaré très sérieusement Werner Daem.
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