Abou Jahjah critique les Marocains sans esprit critique
Le journaliste hollandais Frans Dijkstra du quotidien Trouw (17-04-07) publie de longs extraits du "Dagboek Beiroet-Brussel" (journal intime Beyrout-Bruxelles) de Dyab Abou Jahjah. L'ex-dirigeant de la Ligue Arabe Européenne (AEL) "a été la frayeur de la Belgique (et aussi un peu des Pays-Bas) (...) lorsqu'en 2000 il a fondé la Ligue Arabe Européenne à Anvers et qu'il apparaissait comme le puissant et futé porte-parole d'une génération perdue de jeunes marocains. Ni l'intégration ni l'assimilation, nous exigeons nos droits en tant que citoyens, c'était son combat. Mais la combinaison entre Abou Jahjah et les jeunes marocains n'a pas tenue le coup, c'est en tout cas ce qui déteint de son ouvrage. Abou Jahjah se considère comme un démocrate de gauche, nationaliste arabe, musulman de culture mais pas de religion. Il ne veut rien avoir à faire avec les imams et les organisations religieuses." Dans son journal, le sentiment d'injustice continue à le ronger. "On nous a diabolisé et boycotté pour ensuite essayer de nous entraîner dans toutes sortes d'affaires louches. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous avions l'affirmation de soi et la conscience avec nous en tant que citoyens et parce que nous refusions de nous comporter en tant qu'invités. Parce que nous avons refusé d'être serviles et nous n'étions pas satisfaits de la 'presque égalité' car nous revendiquions l'égalité absolue", écrit Abou Jahjah.
Mais les Marocains qu'il rencontre en Europe sont sur un autre monde : "La plupart des Marocains que je connais sont très conservateurs au sujet de la religion et le considère comme un système de valeur absolu", écrit il. "Cela ne veut pas dire que la plupart des Marocains musulmans sont pratiquants, loin de là, mais la plupart sont croyants et s'en tiennent strictement à une approche dépourvue d'esprit critique à propos de la religion sous sa forme la plus orthodoxe. Ceci a été pour moi, une révélation car je n'ai jamais connu un tel groupe démographique, pas même dans les villages de sud-Liban, où les gens sont aussi croyants." "Avec sa croyance, le Marocain lutte contre l'assimiliation mais c'est inutile, pense Abou Jahjah. La religion est une base trop faible pour développer sa propre identité. Du coup, la langue et la culture se négligent et ils vont quand même grandir dans la société européenne tout en perdant leur confession religieuse. Mais ils n'auront toujours pas les droits."
Abou Jahjah met en garde l'Europe contre "une guerre des classes". "Ce ne sera ni une guerre des religions, ni un conflit importé. Ce conflit sera sur son propre sol avec les enfants de l'Europe qui ont été exclus à cause de leur provenance et de leur race." "Mais Abou Jahjah n'en fera pas partie car il se cherche "un rôle en politique au Liban. Il pense que c'est là que le nationalisme arabe renaîtra pour mettre fin aux régimes corrompus qui collaborent secrètement avec les impérialistes américains et les sionistes." "Abou Jahjah a une grande admiration pour le Hezbollah et son dirigeant Hassan Nasrallah, "une figure historique dont on parlera encore pendant des siècles." Il trouve juste dommage que "le Hezbollah est d'inspiration religieuse".
En Belgique, La Ligue Arabe Européenne "a coopéré une seule fois avec un petit parti d'extrême gauche en Flandre pour participer à des élections. C'était un fiasco avec moins d'un demi pourcent des suffrages récolté. Abou Jahjah a arrêté la collaboration. C'était fautif, estime-t-il aujourd'hui. L'expérience aurait dû être poursuivi. Malgré sa passion renouvelée pour la libération du monde arabe, Abou Jahjah continue à se sentir attaché à la Belgique. 'Quand je vais sur internet au Liban, je lis toujours les journaux belges'. Et il n'est pas totalement et véritablement parti puisqu'il veut encore obtenir l'année prochaine son doctorat dans une université belge."
Dagboek Beiroet-Brussel, Dyab Abou Jahjah, uitg. Meulenhoff Manteau, euro 18,95.
(photo : Trouw et Joost van den Broek)
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