jeudi, février 08, 2007

Livre : Gjovalin Kola s'interroge sur la communauté albanaise en Belgique

C'est purement par hasard lors d'un festival de cinema organisé par le CBAI que je suis tombé sur ce petit livre très personnel du journaliste albanais Gjovalin Kola au titre bizarrement interrogatif : "Pourquoi la Belgique dans l'histoire albanaise?"(Editions Grafimmo). L'ouvrage tente de retracer brièvement le parcours des migrants albanais en Belgique par coup de petites anecdotes assez intéressantes. Ce livre (119 pages) foncièrement anticommuniste ou pro-royaliste est préfacé par l'ex-sénatrice socialiste Marie-José Laloy (actuelle gouverneur de la province du Brabant wallon) dont l'ex-attaché parlementaire Safet Kryemadhi est d'origine albanaise. Ce qui explique sans doute la préface. Ce n'est pas vraiment un ouvrage scientifique ou une recherche exhaustive mais la subjectivité de la plume laisse échapper quelques bons extraits bruxellois qu'on aurait tort d'ignorer.

L'auteur, ex-journaliste du quotidien albanais Shekulli, explique par exemple que c'est "à Bruxelles aussi que le futur dictateur Enver Hoxha a passé trois années, de 1934 à 1936, dans la fonction plutôt inattendue de diplomate. Après avoir échoué à l'Université de Montpellier et découverte le marxisme à la lecture de l'Humanité, son séjour belge fait écho à l'exil cent ans plus tôt de celui qu'il revendiquera désormais comme maître spirituel, Karl Marx. Même si Enver Hoxha s'empressera plus tard de réécrire ces trois années au service consulaire du royaume de Zog à Bruxelles, si peu en accord avec la biographie d'un chef communiste, nul n'ignorait son passé "belge" et la vie de dandy qu'il y mena. (...) Il fit la connaissance d'un certain George Marothi, qui inaugura le Consulat d'Albanie à Bruxelles, auquel il servira de secrétaire [d'après Kole Gjeloshaj]. On dit qu'il poursuivit également des études de droit qu'il ne put achever. Un écrit récent [de Shehu Bashkim] dit que Hoxha travailla comme concierge à la représentation diplomatique albanaise en Belgique et non comme son secrétaire. "

Gjovalin Kola retrace aussi la trajectoire de l'intellectuel Faik Konitza, opposant au régime ottoman, arrivé à Bruxelles à la fin de l'année 1896, il "s'installe à la rue d'Albanie et commence à travailler pour la publication de sa revue. Il la nomme Albania dont l'emblème dessiné part le sculpteur français Paul Noquet est l'aigle, symbole de la nation albanaise." Suite aux pressions diplomatiques et judiciaires ottomanes, Faik Konitza s'exile à Londres puis à Boston pour diriger sa revue. "Mais l'histoire de la revue Albania continue encore dans la rue d'Albanie à Bruxelles. En 1972, un autre Albanais vient s'installer en Belgique, cette fois-ci non pas d'Albanie mais de Kosovo. Cet homme s'appelle Enver Hadri. Son arrivée fait revivre le prestige de cette rue saint-gilloise, qui symbolise si fort l'identité nationale des Albanais. (...) Une fois installé en Belgique, il achète la maison où Konitza avait publié sa revue Albania et continue son activité pour soutenir la cause nationale des Albanais du Kosovo. Il publie les revues bilingues Résistance Nationale des Albanais du Kosovo, La voix du Kosovo, organisant de nombreuses manifestations d'émigrés albanais en Occident.(...) Son principal mérite fut, qu'à son initiative, le Parlement européen approuva la première résolution concernant le Kosovo en 1989 qui condamnait fermement la violation faite par les autorités et la police serbes aux Albanais. (...) Enver Hadri est tué le 25 février 1990, vers 16h30, à l'angle des rues St Bernard et de la Victoire à St Gilles, par un commando de trois hommes. (...) Il a été enterré au cimetière des Albanais de Charleroi, à Farciennes, le samedi 3 mars 1990."

En parlant de décès, "au cimetière de Haine-Saint-Paul, près de La Louvière, a été enterré en 1977 un général albanais, Prenk Pervizi, dont la famille et les proches en Albanie ont tous été emprisonnés et déportés." (...) Son petit fils écrivain-poète Lek Pervizi s'installe à son tour en Belgique en 1990. "En 1993, il a fondé la revue Kuq e Zi (Rouge et Noir, les deux couleurs du drapeau national), la première publication périodique albanaise en Belgique depuis l'arrêt d'Albania de Konitza en 1909. En 2004, il est élu président de l'Association culturelle Euro Belge Albanaise 'Mère Thérèsa' (ACEBA)."

"La communauté albanaise en Belgique dont le nombre est estimé aujourd'hui entre 50 et 60 mille personnes, est méconnue. En partie sûrement parce qu'elle vit repliée sur elle-même; parce que ses membres se marient entre eux." "Les arrivants débarquent principalement dans les communes bruxelloises de Schaerbeek et d'Anderlecht. C'est la raison pour laquelle en 1968, dans la commune de Schaerbeek, au square Prévost Delaunay en lisière du Parc Josaphat, une statue en l'honneur de Skanderbeg est installée sur le piédestal."

Evoquant en fin de récit la criminalité albanophone, Gjovalin Kola relève au passage qu'en "Albanie, la Belgique dont le nom Belgjik, est entré avant la Seconde Guerre mondiale dans les chansons populaires et même dans le dictionnaire albanais pour nommer son fusil fameux de la Fabrique nationale d'armes à Liège, est maintenant le pays où l'on met les femmes en vitrine. Le quartier chaud bruxellois près de la gare du Nord est connu jusque dans les Balkans".