La Belgique est coupable d'une collaboration indigne d'une démocratie
Le Centre d'Etudes et de Documentation Guerre et Sociétés contemporaines (CEGES) vient de remettre son rapport final intitulé "La Belgique docile" au sujet de la collaboration des "autorités belges et de la persécution des Juifs en Belgique pendant la Seconde Guerre mondiale". Un long travail (2 ans et demi de recherche) qui actualise le travail exhaustif et remarquable de l'historien de référence en la matière Maxime Steinberg (voir notamment : L'Etoile et le fusil et La Persécution des Juifs en Belgique) que d'aucuns peinent parfois à citer.
L'originalité de ce nouveau rapport dirigé par Rudi Van Doorslaer, pour le compte du gouvernement belge et à la demande du Sénat, est qu'il replonge sur des sources primaires pour analyser les responsabilités dans l'histoire collaborationniste du pays.
J'avoue que je m'attendais à l'usage de l'euphémisme habituel pour excuser la politique antisémite, sécuritaire et collaborationniste de l'élite belge dans la persécution et la déportation des Juifs belges et étrangers du pays pendant la Deuxième Guerre mondiale. Mais les conclusions du rapport vont à l'encontre des mes idées reçues et ne souffrent d'aucun doute à ce sujet : "La responsabilité du judéocide repose en première instance sur les figures de proue du régime national-socialiste allemand et sur ceux qui, en Belgique, ont choisi de collaborer avec ce régime. (...) Les près de 1.114 pages sur lesquelles s'appuie cette conclusion finale permettent de désigner avec le poids nécessaire les mécanismes et les éléments politico-idéologiques qui expliquent les raisons pour lesquelles l'autorité belge a collaboré elle aussi à la politique raciale antijuive durant l'occupation. (...) L'Etat belge a ainsi adopté une attitude docile en accordant dans des domaines très divers mais cruciaux une collaboration indigne d'une démocratie à une politique désastreuse pour la population juive (belge comme étrangère)"
Peu de sénateurs étaient présents ce matin pour la remise du rapport final et le Premier ministre s'est fait excuser. J'ai reconnu Anne-Marie Lizin (PS), Alain Destexhe (MR) et Hugo Vandenberghe (CD&V), Jean-Marie Happart (PS) en plus de l'ex-sénateur Roger Lallemand (PS) et quelques personnalités membres de la communauté juive comme Julien Klener (Président du Consistoire centrale israélite de Belgique), Pinkhas Kornfeld (Yeshiva de Wilrijk), Philippe Markiewicz (CCOJB) ou la belle-soeur de Marcel Liebman. Cette dernière a même interpellé Rudi Van Doorslaer sur la récente négation des responsabilités anversoises et la censure de certaines pages d'un livre de Marcel Liebman à propos de l'ancien bourgmestre d'Anvers.
Tenu à l'écart de ces travaux, l'APR (L’Association Pour la Restitution individuelle, intégrale et rapide des biens volés aux Juifs) n'a pas manqué de réagir rapidement par communiqué dès la publication du rapport en demandant "une déclaration solennelle du premier ministre reconnaissant la vérité, ainsi que la constitution par l’Etat d’un budget en guise de dédommagement de sa responsabilité dans la déportation des Juifs de Belgique."
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