dimanche, juin 18, 2006

Onkelinx et Ahmadinejad contre la pénalisation du négationnisme

Répondant à de nombreuses interpellations du public lors de son passage à l’association de la Pensée d’Atatürk en Belgique (APAB-BADD) ce samedi 17 juin 2006, la ministre de la Justice et tête de liste PS pour les élections communales à Schaerbeek a clairement entamé un virage vers le négationnisme au sujet du génocide arménien.

Hésitant à plusieurs reprises à évoquer le terme génocide face à un auditoire essentiellement turc, Laurette Onkelinx a insisté à deux reprises sur le fait que « c’est le MR et le FDF qui ont proposé au Parlement qu’on vote une loi qui reconnaîtrait le génocide arménien et condamnerait ceux qui ne le reconnaîtraient pas. Je m’y suis opposé ! Pourquoi ? Parce que ce n’est pas au politique d’écrire l’histoire mais aux historiens. Par ailleurs, plus aucun témoin vivant de l’événement n’existe et aucun tribunal international ne s’est prononcé sur ce sujet, j’ai donc empêché cette loi et je m’en suis expliquée à ce moment. Je ne suis pas d’accord avec cette loi qui impose la reconnaissance du génocide arménien et condamne ceux qui ne pensent pas la même chose », a déclaré Laurette Onkelinx accompagné du Secrétaire d’Etat bruxellois Emir Kir (PS). « Ce qu’a proposé le Premier ministre turc, c’est un travail avec les Arméniens dans le cadre d’une commission mixte pour pouvoir examiner ce sujet de manière indépendante et objective », a précisé Laurette Onkelinx reprenant ainsi l’argumentaire d’Emir Kir (1) datant de 2004 sur le même sujet.

« Je suis d’accord avec un sage à la mosquée de la rue Masui [à Schaerbeek] qui disait qu’il ne faut plus débattre en politique sur ces questions si on veut une réelle cohabitation entre les Turcs et les Arméniens de ce pays. La grosse différence sur cette question est que certains pensent qu’il y a eu génocide et d’autres pas. C’est le MR et le FDF qui veulent faire condamner ceux qui pensent qu’il n’y a pas eu génocide », a insisté la ministre de la Justice. Répondant à la remarque de Laurette Onkelinx, un participant a remis une copie de la résolution de 1998 du sénateur Mahoux faisant reconnaître par le Sénat belge le génocide arménien et indique par la même occasion à la ministre que ce sont bien les socialistes qui ont porté ce sujet dans l’arène politique. Un autre participant a interpellé Laurette Onkelinx sur la position totalement contraire du PS français sur le même sujet. « Ecoutez, je parle de la Belgique ! », esquive Laurette Onkelinx mais son interlocuteur lui rappelle que « vous siégez ensemble au Parlement européen ! »


Venant à la rescousse de sa tête de liste, une militante socialiste « ni turque ni arménienne » a appelé au calme en expliquant que « quand je vois mon ami allemand, je ne pense pas directement à Auschwitz. Le jeune de 20 ans n’est pas responsable de ce qu’ont fait auparavant ces ancêtres… ». La remarque a rapidement provoqué la colère de certains membres de l’auditoire : « C’est dangereux de nous comparer à ce qu’ont fait les Allemands ! ».


A noter que les deux socialistes (Onkelinx et Kir) utilisent à propos du génocide arménien le même argumentaire que celui utilisé par le président iranien Mahmoud Ahmadinejad [ou le dirigeant FN Bruno Gollnisch (2)] à propos du génocide juif. En visite officielle à Shanghai, le président Ahmadinejad a déclaré à propos de l’holocauste qu’ « une enquête menée par des parties impartiales et indépendantes est nécessaire pour les événements historiques. (…) En avril, M. Ahmadinejad avait déjà estimé qu'il y avait « un sérieux doute » sur l'existence de l'holocauste. » (3)


Mehmet Koksal

(1) Dans une interview, accordée au journaliste Karim Fadoul, parue dans la Dernière Heure du 30/11/2004, Emir Kir (PS) répond qu'il appartient « à chaque état à assumer son passé et à faire la lumière sur cette page tragique de son histoire. Et ce sont aux historiens, sous l'égide d'une commission indépendante, à faire la lumière sur cette question.»

(2) Bruno Gollnisch a déclaré le 12 octobre 2004 sur LCI à propos de la contestation de l'existence et de l'utilisation des chambres à gaz par les nazis que « Ces questions devraient relever du débat entre historiens », et qu’ « il appartient aux historiens de se déterminer ».


(3) Dépêche AFP