vendredi, juillet 15, 2005

L’extrême droite flamande courtise les Turcs

Décidément, rien n’échappe à l’excellent journaliste Steven Van Garsse de l’hebdomadaire flamand bruxellois Brussel Deze Week (BDW). Il vient cette semaine de révéler que le parti flamand d’extrême droite Vlaams Belang (VB) fait campagne en turc dans deux communes bruxelloises (Saint-Josse-ten-Noode et Schaerbeek) où réside une forte communauté turcophone (voir l’article ci-dessous).

Même si la mauvaise traduction de l’extrait en début d’article - « Saint-Josse ta belediye baskani Demannez yaptirdigi yönlendirme » (la mobilité instaurée par le bourgmestre de Saint-Josse Demannez) - sautera aux yeux des traducteurs, l’article aborde habilement le double discours du parti d’extrême droite par rapport aux Turcs : opposition à l'adhésion de la Turquie en Europe et moquerie sur la langue turque. En effet, il suffisait de se balader il y a quelques mois en Flandre pour apercevoir les grandes affiches du VB contre l’adhésion de la Turquie à l’Union européenne. Avant même l’évocation d’une possible consultation populaire sur la Constitution européenne, ce parti agitait la pseudo-menace turque sur le projet européen avec des clichés dignes de la propagande nazie de l’entre-deux-guerres à l’égard des juifs. Les eurodéputés VB Philip Claeys et Koen Dillen ont même récemment publié un ouvrage « Een brug te ver » pour marquer encore plus l’opposition du parti à l’élargissement de l’Union à la Turquie.

Comme le note aussi l’article du BDW, le turc n’était utilisé jusqu’ici dans les tracts du VB que pour se moquer des populations de cette origine. On se souviendra par exemple de la publication - en première page de leur magazine raciste - de la gaffe de l’échevin des Finances MR (Sait Köse) qui avait envoyé une lettre imprimée en turc sur une feuille à entête de la commune de Schaerbeek.

De manière globale, ce n’est pas la première fois que le VB tente une percée dans la communauté turque. Le parti d’extrême droite avait déjà aligné Belkis Sögütlü alias « madame Hitler » dans ses rangs à Alost en 2000. Plus récemment, en mars 2005, le débat avait resurgi avec le ballon d’essai de Gerolf Annemans (VB) sur l’éventualité des candidatures musulmanes sur les listes électorales du Vlaams Belang. Une tactique rapidement balayée du revers de la main par le président de parti Frank Vanhecke. Celui-ci estimant qu’ « il n’y a pas de places pour les musulmans sur les listes du parti ».

De manière locale, les deux communes en question ont une trajectoire historique très différente. Schaerbeek, tout comme Molenbeek, a depuis longtemps eu une forte représentation d’élus d’extrême droite. La gestion raciste et poujadiste de l’ex-bourgmestre schaerbeekois Roger Nols (ex-FDF, ex-PRL et FNB) reste encore gravée dans toutes les mémoires. Le Front National ou le Vlaams Belang (ex-Vlaams Blok) profitent d’ailleurs depuis longtemps de la tribune communale pour s’en prendre régulièrement à une grande partie des habitants de leurs propres communes en fonction de leur origine, de leur religion ou de leur orientation sexuelle (opposition aux mariages homosexuels). Saint-Josse, longtemps gouvernée par Guy Cudell (PS), a toujours su préserver un climat plus paisible de vie commune entre les différentes populations de son petit kilomètre carré de territoire. Le message ne passe jamais de la même manière d'une commune à l'autre.

Mais à qui profite finalement le tract en turc du VB ? Probablement au PS d’abord et au collège de Saint-Josse ensuite. Ces partisans du plan pourront toujours cataloguer toute critique envers ce projet comme une manœuvre d’extrême droite. Pourtant une réelle mobilisation citoyenne existe sur le terrain schaerbeekois. Un comité de quartier y fait un travail de fond sans pour autant toujours avoir le soutien nécessaire pour ses actions.

Et le double discours des partis démocratiques sur cette question de plan de mobilité n’aidera certainement pas les habitants à y voir plus clair. Ainsi, le « MR de Schaerbeek dit STOP » au plan de mobilité de Saint-Josse dans un tract distribué à Schaerbeek sans préciser que … le MR de Saint-Josse a bel et bien dit « ENCORE » à ce même plan au collège communal. Alors stop ou encore, il faudrait se mettre d’accord. Le CDH de Schaerbeek parle d’un « plan d’immobilité » dans son tract alors que le CDH de Saint-Josse, dans l’opposition, ne s’y oppose pas vraiment. Il faudrait peut-être commencer à voir plus loin que le bout de son siège communal - et des manœuvres électoralistes - avant d’alerter la population. Non ?

Mehmet Koksal

lire l'article de Steven Van Garsse :
http://www.minorites.org/article.php?IDA=10263