vendredi, octobre 05, 2007

Livre : immigration, traite et crime organisé

Aujourd’hui (05/10/07), j’ai été suivre la conférence de presse du journaliste d’investigation Frédéric Loore et l’ex-inspecteur social Jean-Yves Tistaert à propos de leur livre « Belgique en sous-sol – immigration, traite et crime organisé ». Il s’agit d’une longue enquête prenant essentiellement comme sources des rapports officiels, des jugements, des avis de magistrats, des auditeurs du travail, des services de police et des spécialistes de la fraude organisée pour dresser un état des lieux assez alarmant de l’activité de ces réseaux (immigration illégale, traite et trafic d'êtres humains, fraude sociale et fiscale, esclavagisme, prostitution, financement du terrorisme,...) présents sur le territoire belge.

Etant donné que l’ouvrage évoque plus la traite et le crime organisé que la problématique de l’immigration, j'ai demandé aux auteurs s'ils ne craignaient pas de stigmatiser les étrangers en général : « Non car les étrangers sont justement les premières victimes de ces filières en plus de l’Etat et des citoyens. Il faut en finir avec le syndrôme de l’autruche ou du politiquement correct car ne pas voir cette réalité sous-terraine, c’est justement encourager les trafiquants et la fraude sociale. Il est difficile de décrire des faits sans analyser les milieux, sans nommer les réalités. Il est par exemple clair que les principales victimes des réseaux turcs sont des Turcs, de même que les principales victimes des réseaux indo-pakistanais sont des personnes d’origine indo-pakistanaise », m'a précisé Frédéric Loore. "Tout cela engendre un coût social faramineux", surenchérit le co-auteur Jean-Yves Tistaert qui estime que l'absence de responsabilité publique engendre "une pression sur les bas revenus, encourage le dumping social, alimente la criminalité connexe, menace l'équilibre de la société et le tout alimente en aval les sentiments xénophobes et le racisme latent dans la société belge".

Le livre est franchement bien foutu avec des exemples concrets et une liste de carences à combler d'urgence par les décideurs politico-judiciaires du pays. Quelques exemples rapidement notés au vol : l'absence de législation permettant de poursuivre solidairement l'exploiteur et le donneur d'ordre dans le cadre de la sous-traitance en cascade (voir l'important travail législatif du député socialiste Thierry Giet en la matière) ; l'abscence de coordination interrégionale en matière de délivrance d'un permis de travail ; la pénurie des magistrats rendant de facto caduque les tribunaux à 3 juges ; l'absence de suivi en matière de récupérations des amendes pénales.

A propos de l'immigration, les auteurs rappellent que de nombreux secteurs (construction, textile,...) manquent cruellement de main d'oeuvre. Un représentant de la fédération du textile a même approuvé ce fait en précisant que, compte tenu de la concurrence, les sociétés faisaient finalement face à un dilemme : délocaliser ou recruter la main d'oeuvre sur le marché parallèle ? Du coup, je me suis demandé si, contrairement à l'idée reçue qui accuse de complaisance les partis de gauche envers l'immigration illégale et d'alimenter ainsi les réseaux maffieux, le problème migratoire ne serait pas finalement un grand complot de droite avec une tactique simple : dénoncer l'immigration politiquement pour l'encourager et l'exploiter économiquement en sous-finançant les organes de contrôle et justice. De plus, le renforcement de la politique migratoire européenne permet certes de limiter l'accès officiel au territoire mais cela pousse également les candidats migrants dans les bras des trafiquants alimentant indirectement l'économie parallèle au profit de certains patrons d'entreprise. A méditer en parcourant la Belgique de la cave au grenier...