jeudi, juin 15, 2006

Saint-Josse, son bourgmestre, ses échevins et son (ex-)journaliste

Réagissant sur le scandale des logements communaux et des domiciles fictifs qui n'en finit pas de faire des vagues depuis deux semaines dans la petite commune de Saint-Josse, la tête de liste du CDH local Eric Jassin n'y a pas été par quatre chemins ce jeudi pour condamner le clientélisme de la majorité communale PS-PRL-SP.A à l'occasion d'une conférence de présentation de la liste CDH St Josse pour les communales du 8 octobre 2006.

Visant directement le bourgmestre socialiste Jean Demannez, la tête de liste CDH a déclaré : "C'est le premier magistrat de la commune. Il a juré fidélité au roi, respect à la Constitution et aux lois du peuple belge entre les mains de Madame la Gouverneure de Bruxelles. Il ne peut tout simplement pas coutourner la loi. Il doit la respecter ou se démettre... s'il maintient ses propos !". "Les procédures d'attribution des logements sont mal faites, je me fous de les contourner !", avait déclaré le maïeur "ulcéré" au quotidien Le Soir[1]. Suite à ce commentaire, Olivier Mouton, le chef des pages bruxelloises, n'avait pas hésité à demander sa démission dès le lendemain, titrant son billet "Un bourgmestre qui « contourne » doit s'en aller"[2].

Critiquant aussi les "sorties politiciennes d'Ecolo et en particulier de M. Ahmed Mouhssin", Eric Jassin (ex-tête de liste Ecolo en 1994) déclare qu'il "n'a pas reçu le soutien d'Ecolo quand il dénonçait les attributions de logement à des échevins de la commune. Je n'ai jamais entendu M. Mouhssin dénoncer les irrégularités dans l'attribution des logements communaux. Par contre, j'ai dénoncé ce fait il y a 3 ou 4 mois mais je n'ai pas été soutenu. Les échevins Mohammed Jabour (PS) et Dorah Ilunga (PS) occupent actuellement des logements gérés par la commune, ce qui est contraire à l'ordonnance régionale de janvier 2006 qui stipule qu'on ne peut pas attribuer un tel logement à un membre d'une assemblée exécutive", ajoute le conseiller communal humaniste.

Un journaliste conteste cette version des faits et rappelle qu'Ecolo a bel et bien soulevé la question le 23 février 2005 lors du Conseil communal mais Eric Jassin ne s'en rappelle pas. Il y avait pourtant un public nombreux au conseil communal suivant du 30 mars 2005, et trois témoins non membres d'Ecolo confirment l'interpellation d'Ahmed Mouhssin et le silence de Jassin à propos des attributions de logements communaux, tant à des échevins qu'à l'attaché de presse du bourgmestre et à la mère d'une échevine. Un compte-rendu polémique en avait même été publié à l'époque sur le site du Parti Jeunes Musulmans[3], peu suspect de parti-pris pro-Ecolo.

La correspondante du Soir note quant à elle les deux noms des échevins-locataires (Jabour et Ilunga) et s'étonne du franc parler de l'élu CDH.

- AC Huwart : Je vous ai eu en ligne quelques temps auparavant et vous ne m'aviez jamais dit tout cela.
- Eric Jassin : Vous êtes de quel média ?
- AC Huwart : Le Soir
- Eric Jassin : Ah ! Ecoutez, en six ans le journal Le Soir n'a jamais écrit une seule ligne sur le CDH de Saint-Josse. Voilà que tout d'un coup on s'intéresse à nous...
- AC Huwart : Ce n'était pas moi qui couvrait la commune, je viens d'arriver sur Saint-Josse.
- Eric Jassin : Je ne remets nullement en cause votre professionnalisme, vous faites du bon boulot mais votre prédecesseur, Monsieur François Robert, qui habite aussi un logement fourni par la commune de Saint-Josse...
- AC Huwart : ... mais il va déménager...
- Eric Jassin : Ah ! C'est une grande nouvelle. François Robert va donc déménager, une très bonne information à publier, cela. Votre prédécesseur au Soir, Monsieur François Robert, est vraiment quelqu'un qui n'a aucune déontologie, aucune éthique. Je lui ai déjà dit cela en face d'ailleurs.

Après la démission du bourgmestre Jean Demannez, le CDH suggère-t-il également celle du journaliste de François Robert ?

A propos de domiciles fictifs des deux autres échevins socialistes de la commune (Charles Uyttendaele et Josée Vandenbemden), Eric Jassin précise que "si l'enquête devait confirmer les faux domiciles, la loi est claire et je n'ai même pas à exiger leurs démissions. Ils seront démis d'office" Au Moniteur Belge, on peut constater que le domicile communiqué par l'actuel échevin Charles Uyttendaele en date du 18 février 2001 (soit après les dernières élections d'octobre 2000) lors de la fondation de l'asbl E.V.O. était bien encore rue Ortélius 32 à 1000 Bruxelles. Trop honnête de donner sa vraie adresse ou victime d'une amnésie passagère ?

Le Soir et La Dernière Heure rapportent de leur côté que le président régional du MR Jacques Simonet vérifie si son échevin libéral Geoffroy Clerckx a bien protesté contre ses attributions clientélistes. L'échevin Clerckx "m'a assuré s'être opposé en collège à ces attributions, commente Jacques Simonet, président du groupe MR au parlement bruxellois. S'il parvient à me montrer les documents prouvant ces déclarations, tout va bien. Sinon, il devra porter plainte par rapport à la tenue des registres ou démissionner." [4]

Le 3 avril 2005 pourtant, à la question "Vous admettez tout de même que privilégier les employés communaux est contraire à l’ordonnance régionale ?", l'échevin PRL et chef de file local du MR Geoffroy Clerckx avait répondu au journal parlé régional de Vivacité "Oui, dans ce cas là, je dirais qu’on l’a fait consciemment en disant : « Voilà, on prend nos responsabilités »... donc çà, il n’y a pas de problème, on est prêt à en discuter avec les autorités régionales s’il échet."

Deux membres sur huit du collège ten-noodois à ne pas encore avoir été mis en cause à ce jour sont Jules Spooren (SP.A) et Nezahat Namli (PS, ex-PRL), mais ne devront-ils pas assumer la responsabilité collective des attributions partisanes de logements communaux puisque, selon l'expression du bourgmestre, "le collège a discutaillé pour savoir à qui nous allions attribuer un logement" [5].

Mehmet Koksal

[1] Anne-Cécile Huwart, "Roger Leclère quitte le PS local", Le Soir 07/06/2006
[2] Olivier Mouton, "Un bourgmestre qui « contourne » doit s'en aller", Le Soir 08/06/2006
[3] A. Bastin et R. Zegazoui, "Saint-Josse, une commune dans le brouillard", 06/04/2005 http://www.mvjm.be/dossiers/INTEGRATION-JUSTICE-SOCIALE/stjosse_commune_brouillard.html
[4] Anne-Cécile Huwart, " Jacques Simonet prêt à lâcher l'échevin MR", Le Soir du 15/06/2006
[5] Bastin et Zegzaoui, op. cit.